Communauté

Science F(r)ictions

Monica

Publié par Laura Schlenker, le 21 janvier 2022   1.1k

Ce texte a été composé par les étudiants du master stratégies digitales et nouveaux médias de Sciences Po Grenoble lors d'un atelier d'écriture créative "Paroles de roches, pierres et fossiles"  animé par Laura Schlenker de la Fabrique média au Muséum de Grenoble, dans le cadre du projet "Minéraux et Fictions ».  Retrouvez tous les  textes des participants dans ce dossier.


Monica

Cette nuit, j’ai encore rêvé d’elle. Monica, ma petite copine des océans, mon crustacé d’amour, Avec ses petits yeux malicieux, elle est encore plus séduisante qu’une sirène. Cela fait 23 millions d’années que je ne l’ai pas vu. Emprisonnée dans cette pierre, le souvenir de notre rencontre est la seule chose qui ne me fait pas sombrer, même si je suis sûrement déjà tout au fond des profondeurs marines. Je nous revois tous les deux, courir avec nos petites pates de crabes dans le sable chaud de la plage argentine de Santa Cruz en se donnant la pince. Qu’elle vit merveilleuse nous avons eu ensemble. Monica et moi, nous avons beaucoup voyagé. Sur la carapace d’une tortue ou le dos d’une raie manta, au fond de la cale d’un bateau de pirates ou sur un radeau échoué, nous avons traversé tous les horizons de l’Amérique latine. Sa petite carapace orange ondule dans ma tête. Elle me manque terriblement, depuis ce fameux incident d’été. Ce terrible jour où Monica a perdu le bracelet que je lui avait offert pour la Saint Valentin. Elle était si triste que j’ai promis de plonger tout au fond de l’océan pour le récupérer. J’ai eu le malheur de vouloir l’impressionner en lui montrant mes excellentes capacités de nageur professionnelle. Quand on est amoureux, on fait parfois n’importe quoi. Je suis resté bloqué tout au fond de l’eau. Je n’ai jamais pu remonter.

Mon rêve a pris des allures de cauchemar. Juste avant de me noyer, dans les ténèbres noires de la tempête, Dieu m’apparaît comme une lueur d’espoir. Enfin ce que j’imagine être Dieu. Une lumière divine blanche m’aveugle la rétine. Je ne sais plus où je suis. Je sens que l’on me saisis, qu’on m’emporte. C’est donc ça les portes du paradis ? Et si Monica m’attendais devant, sur un petit nuage? Je l’imagine déjà me faire coucou avec ses petits pinces. Une onde cosmique parcours tout mon petit corps de crabe. Je rejoins la surface et d’un coup je revois la terre ferme. Mais ce n’est pas Monica qui m’accueille. Sur un bateau, le directeur du musée de Grenoble se réjouit de me rajouter a la collection de fossiles.


Texte et photographie Emma Reboul
collection du Muséum de Grenoble