[PORTRAIT] Layan Fessler, doctorant au laboratoire SENS

Publié par Laetitia Minniti, le 30 janvier 2024   180

​Layan nous ouvre les portes de son doctorat avec enthousiasme et nous fait découvrir ses recherches.  

Est-ce que tu peux te présenter ?

 Je m'appelle Layan Fessler, je suis en deuxième année de doctorat au laboratoire SENS (Sport et ENvironnement Social) à l'Université Grenoble Alpes.

Quel est ton parcours étudiant/professionnel ?

J'ai fait une licence STAPS (Sciences et techniques des activités physiques et sportives) APA-S (Activités Physiques Adaptées et Santé) comprenant un stage avec un doctorant du laboratoire SENS que j'aidais dans la collecte de données.

J’ai poursuivi par un master APA-S à Grenoble au cours duquel j'ai fait un stage avec Boris Cheval à l'Université de Genève, au Laboratoire d'étude de l'élicitation et de l'expression des émotions (E3lab) en première année, puis en deuxième année, un stage avec Boris Cheval et Philippe Sarrazin, au laboratoire SENS qui a débouché sur un projet doctoral monté sur la continuité de mon master.

Quel(s) sport(s) pratiquais-tu ou pratiques-tu ?

J'ai toujours été assez actif, en étant plus jeune, je faisais du judo, jujitsu, du football etc. Il y a 9 ans, j’ai commencé la musculation. Tous les aspects de ce sport, pas uniquement l’entraînement, mais aussi la physiologie de l'exercice, la psychologie, la biomécanique m’ont beaucoup intéressé. Ça m'a donné envie d’étudier le sport et l’activité physique.

Aujourd’hui, je pratique la musculation axée sur la force athlétique et la course à pied/trail.

Quel est ton sujet de thèse ? Qui sont tes encadrants ? Quels sont tes objectifs et as-tu déjà des résultats ?

Ma thèse s’intitule « Promouvoir l'activité physique auprès de personnes atteintes de maladies chroniques : le rôle des mécanismes affectifs », commencée en octobre 2021 et dirigée par Philippe Sarrazin (laboratoire SENS) et codirigée par Boris Cheval (ENS Rennes). Pour faire au plus simple, je m’intéresse au(x) rôle(s) des affects dans l’engagement et le maintien d’activité physique chez des personnes atteintes de maladies chroniques (e.g., cardiovasculaires, diabète de type 2, maladie de Parkinson), que ce soient des patient.e.s de structures hospitalières (notamment des Hôpitaux Universitaires de Genève), mais également des personnes pratiquant une activité physique adaptée (APA) dans des associations et structures spécialisées à Grenoble. Un deuxième axe de ma thèse est de comprendre comment manipuler ces mécanismes affectifs, et leurs impacts sur les pratiques d’activités physiques de ces personnes.

J’ai deux études principales dans ma thèse :

  • Le projet Émotions et Activité Physique (EMAP), en collaboration avec les associations et structures APA de Grenoble 
  • Le projet Improving Physical Activity (IMPACT), en collaboration avec les Hôpitaux Universitaires de Genève

Le projet EMAP

Je cherche à savoir comment motiver les personnes qui ont des maladies chroniques à pratiquer une activité physique. Je m’intéresse particulièrement au plaisir ou déplaisir que ces personnes ressentent pendant une séance d'activité physique et comment ils vont influencer leur perception de l'effort, leur manière de se remémorer la séance, d’anticiper la prochaine séance et surtout, leur pratique hebdomadaire d’activité physique.

J’ai utilisé l’annuaire du dispositif Prescri’Bouge pour trouver des associations en APA et recruter 108 participant.e.s.

Lors de séances d’APA, j’ai mesuré les réponses affectives (i.e., plaisir/déplaisir) des participant.e.s pendant leurs exercices, 4 fois au cours de la séance à l'aide d’un questionnaire. En complément, j’ai également mesuré la perception de leur effort grâce à un autre questionnaire. A la fin de la séance, les participant.e.s remplissaient un questionnaire sur la manière dont ils.elles se remémoraient leur plaisir et effort global de leur séance, le plaisir anticipé qu’ils s’attendent à ressentir lors de la prochaine séance et leur intention de pratiquer de l'activité physique au cours de la semaine suivante.

A la fin de la séance d'exercice, je leur ai remis un accéléromètre – un appareil à mettre autour de la hanche qui permet de mesurer le temps passé à être actif.ve, sédentaire, le nombre de pas -  à porter pendant huit jours. Ce dispositif me permet d’examiner le lien potentiel entre leurs ressentis pendant la séance d'APA et leur niveau d'activité physique au cours des 8 prochains jours.

Lors des 48 heures suivant la séance d’APA, ils.elles ont accomplis deux tâches cognitives de temps de réaction sur ordinateur mesurant des variables psychologiques (i.e., attitudes implicites, tendances à l’action), ainsi qu’un questionnaire qui permet d’établir un profil du.de la participant.e (niveau d'activité physique habituel, type de motivation, statut socio-économique, etc).

Résultats préliminaires

  • Les réponses affectives à l'exercice (i.e., plaisir/déplaisir) sont corrélées négativement avec la perception de l’effort pendant l'exercice. Autrement dit, plus la réponse affective positive est élevée, plus la perception de l'effort est basse.
  • Les réponses affectives à l'exercice sont positivement corrélées à la manière dont les personnes se remémorent la séance (plus ou moins plaisante).
  • La remémoration affective de la séance est fortement et positivement corrélée au plaisir anticipé de la séance suivante
  • Ce plaisir anticipé est corrélé positivement avec l’intention de pratiquer une l'activité physique au cours de la semaine suivante.

Le projet IMPACT

Dans ce projet, nous travaillons avec des patient.e.s incluent dans un programme de réadaptation cardiaque ambulatoire aux Hôpitaux Universitaires de Genève qui, pendant six semaines, pratiquent des activités physiques dans le but d’améliorer leur santé physique et mentale et leur qualité de vie après un incident cardiovasculaire. Le but de cette étude est d’entraîner leur cerveau à approcher plus facilement des opportunités d'activités physiques quand ils.elles y sont confronté.ée.s (par exemple, quand les personnes sont confrontées à un choix entre prendre l’ascenseur ou l'escalier). Nous utilisons une tâche informatisée sur tablette tactile (Visual Approach/Avoidance by the Self Task, VAAST) pour orienter les personnes plus facilement et automatiquement vers l’activité physique.

Nous avons au total 68 participant.e.s chez qui nous mesurons :

  • Des données démographiques et anthropométriques
  • Des données en rapport avec l'activité physique : variables motivationnelles, intentions de pratique, type de motivation, perception de l’activité physique
  • Des traits de personnalité

Les patients suivent un programme d'entraînement sur tablette pendant 6 semaines, à raison de deux séances par semaine, chaque séance durant 8 minutes. À la fin de cette période, nous leur fournissons des accéléromètres pendant une semaine afin d'analyser l'effet de l'entraînement sur tablette sur leur niveau d'activité physique. Nous continuons à les suivre à différents moments par la suite, notamment à un mois, trois mois, six mois et douze mois.

Résultats préliminaires

  • Les attitudes affectives positives (évaluation de l'activité physique comme étant plaisante) prédisent positivement le niveau d’activité physique. Autrement dit, plus les participant.e.s évaluent l’activité physique comme étant un comportement plaisant, plus ils.elles ont de probabilité d’atteindre les recommandations en terme d’activité physique proposées par l’Organisation mondiale de la santé.
  • Ces attitudes affectives sont négativement corrélées aux tendances automatiques à approcher des comportements sédentaires. Autrement dit, plus les participant.e.s évaluent l’activité physique comme étant un comportement plaisant, moins ils.elles semblent attiré.ée.s par les comportements sédentaires (e.g., s’assoir sur son canapé).
  • Nous n’avons malheureusement pas trouvé d’effet significatif de l’intervention sur les niveaux d’activité physique et de sédentarité. Cependant, cela pourrait être dû à trop peu de participant.e.s.

Pourquoi avoir choisi de faire une thèse ?

J’ai souhaité m’engager dans une thèse pour deux raisons principales. La première est que je suis particulièrement curieux ! J'ai commencé à songer à une thèse à la fin de ma première année de master. Puis, en 2ème année, j’ai choisi un stage orienté recherche et ça m’a beaucoup intéressé, en particulier l’étude des sciences affectives appliquées à l’activité physique. La deuxième raison est venue de mon expérience de terrain en tant qu’enseignant en APA : les personnes atteintes de maladies chroniques peinent à s’engager durablement dans une pratique d’activité physique.

"Je souhaitais donc apporter des leviers pratiques d'intervention à destination des professionnel.elle.s en activité physique afin de les aider à répondre à cette problématique."

Quels sont tes objectifs à long terme une fois tes études terminées ? Comment envisages-tu l’avenir ?

Le schéma idéal serait un post-doctorat d’un an ou deux dans un laboratoire à l'étranger anglophone pour ensuite revenir en France sur un poste de maître de conférences et pouvoir justement jongler entre la recherche et l'enseignement, que j’apprécie tout particulièrement.

Je vais partir en septembre à l'Université de Brunel de Londres pendant trois mois pour travailler sur un projet en laboratoire et, potentiellement, préparer un futur post-doctorat là-bas. Je suis également en train de développer un nouveau protocole de recherche aux Hôpitaux Universitaire de Genève pour début 2025.

Un conseil pour les étudiants qui souhaiteraient s’engager dans la même voie ?

S’engager en Licence STAPS, ce n’est pas forcément pour devenir éducateur.trice sportif. Ce sont des études pluridisciplinaires avec 5 spécialisations possibles qui donnent accès à des voies professionnelles différentes. Il n’est pas non plus nécessaire d’être excellent.e en sport pour réussir son année. C’est donc un excellent cursus qui permet de s’immerger dans plein de matières passionnantes, sans pour autant n’avoir qu’une seule porte de sortie.

Dans un doctorat, il y a un objectif principal mais c’est aussi très diversifié : nous pouvons donner des cours, participer à des conférences, rencontrer des personnes d’autres champs disciplinaires, faire de la médiation scientifique, suivre des formations, se créer un réseau etc. Une thèse ne mène pas forcément au métier de chercheur.euse ou maître.esse de conférences, mais peut également ouvrir des portes pour travailler en entreprise, créer sa start-up etc.

"La thèse n’enferme pas dans un environnement de recherche mais permet d’acquérir des compétences transversales comme la gestion d’équipe, de projet, de deadlines sur court, moyen et long terme, en plus de toutes les autres compétences scientifiques."

Parcours

2016 – 2018 : Licence APA-S (Université Grenoble-Alpes)

2018 – 2019 : Baccalauréat en Kinésiologie Université du Québec Trois-Rivières

2019 – 2021 : Master APA-S (Université Grenoble-Alpes)

Depuis octobre 2021 : doctorat au laboratoire SENS (Université Grenoble-Alpes)

Contact

Sa page LinkedIn

layan.fessler@univ-grenoble-alpes.fr


Cet article a été rédigé par Laetitia Minniti, project manager du CDP Sport Perf Health. Pour plus d'informations, consultez le site internet du projet !