Safari en Balconie - (épisode 8.)

Publié par Muséum De Grenoble, le 3 mai 2020   1.1k

Carnet d’explo  5


Amis de la Nature, de l’Aventure et du Monde… depuis le début du safari, toutes les nuits ont été douces et jamais pluvieuses, ce qui est favorable à l’écoute de la nature balcone. Voici le déroulement d’une nuit ordinaire, passée à la belle étoile parce que sous tente on n’entend moins et on ne voit rien. Elle était censée être intégralement blanche pour noter tout ce qui bouge ou qui crie, mais sans doute à cause du calme ambiant je me suis endormi deux heures. Je vous livre quand-même le résultat de ma nuit d’affût :
« 20h30 : le ciel s’est chargé et un léger vent souffle en tournant, puis forcit un peu alors que le ciel s’assombrit. Le crépuscule prend possession des lieux. Un Merle chante.
20h45 : le Merle cesse de chanter et émet alors des sortes de cliquetis, cris qui veulent dire « on s’calme, on s’repose parce que d’main matin va falloir en mettre un coup pour s’faire entendre ». Un Corbeau freux passe pour se rendre au dortoir ou à sa colonie. Il est en retard! Les lampadaires sont allumés. Puis il y a comme un silence, la Nature s’apaise. Seules quelques personnes produisent des sons dispersés : éclats de voix, bruits de volets, une moto passe, au loin un hélicoptère emmène un patient du Covid 19 à l’hosto, plus près un voisin émet un bruit corporel incongru qui résonne … Des Corneilles croassent pour montrer qu’elles gardent les lieux jusqu’au matin. Ce sont un peu les gendarmes du coin. Les feuillages bruissent dans le vent. Après, rien de rien, non, jusqu’à mon confinement dans mon duvet.
Minuit : je savoure le bien-être du duvet; des ados à vélo s’amusent à faire des dérapages dans le square, pays attenant à la Balconie,  puis s’en vont vers 1 h00. Bon vent ! Le silence se réinstalle et le vent s’arrête. Peu après je m’endors, malgré une lutte dantesque contre le sommeil.
3h45 : un grand bruit sec inconnu me réveille. Heureusement sinon j’aurais peut-être dormi jusqu’au matin ; j’aurais eu l’air de quoi ? Alors merci le bruit (sauf si c’est un meurtre nocturne commis à l’arme à feu)! Dans les minutes qui suivent j’entends de timides et courtes strophes du chant d’une Rouge queue à front blanc. Voilà donc notre gagnant du jour au concours du chanteur le plus précoce. Ca m’émeut. Bravo à lui ! Il a battu les Merles à plates coutures.
4h05 : son chant reprend, égrainé avec régularité. Puis un Merle enchaîne, avant que d’autres ne s’y mettent. C’est doux à entendre dans la nuit calme. Je suis bien, je ne m’emmerde pas. J’apprécie, je ferme les yeux, je respire ce moment de félicité. Si j’avais un gros gâteau sous la main, ce serait encore mieux ! Et une bouteille de Champ. Mais pour ça il est peut-être un peu tôt et on attendra la fin de mon périple.
5h00 : je n’ai plus rien dormi et n’ai fait qu’écouter et enregistrer les chansons des oiseaux. Le Rouge queue à fr. Bl. continue alors qu’un Rouge queue noir me fait sursauter avec un soudain et éclatant chant près de mes oreilles, sur le rebord du toit de l’immeuble à 5 mètres au dessus, avant d’aller plus loin exécuter ses bruits de papier froissé. Non mais !
5h10 : une Fauvette à tête noire fait sa timide, elle qui chante bruyamment à tue-tête à longueur de journée ; et ben tant mieux !
5h15 : un Merle se lance, très proche, volume à fond, posé tel un orateur sur le faîte d’un toit de maison, sûr de lui, et sa voix couvre celle des autres qui ne sont alors plus que des faire-valoir. Au loin des Corbeaux freux s’agitent. Puis une Corneille pousse des coups de gueule. Hé ho ! Du calme !
5h40 : un Grimpereau des jardins s’exprime en une courte chanson légère. Ils sont maintenant 2 Merles à se faire une joute vocale à proximité. La Fauvette est encore loin.
5h55 : le Grimpereau recommence. Il a bien fait : « faut oser mon gars si tu veux réussir dans la vie ».
6h00 : doucement le ciel nuageux s’éclaircit. Tout est encore très calme. A part quelques bruits humains ou automobiles étouffés par la fraîcheur, ce ne sont que chants et vocalises diverses produites par les oiseaux déjà nommés. Le matin tôt, ce sont toujours les mêmes espèces qui chantent en premier pendant que les autres roupillent encore.
6h20 : premier léger gazouillis grinçant de Serin, puis c’est au tour du Pigeon ramier et de la Tourterelle turque. Les Corneilles brassent davantage : elles sont un peu les maîtres du territoire balconien.
6h30 : un Moineau sort ; il crie. Des Freux passent, s’échappant du dortoir commun. Les Fauvettes, Serins, Grimpereaux, Rouge queues, Merles et Corneilles se taisent ou mettent la sourdine. Les Pigeons s’ébrouent sur un rebord de fenêtre. Le ciel est rose à l’est derrière les montagnes C’est l’aube.
6h50 : tout se calme. Plus de voix éclatantes, juste du beau, du doux. Un matin de première fraîcheur se met en place. Ma nuit de veille est terminée ; je m’enfouis un instant dans mon duvet ; pour le fun. 
Jimi Coquebot

Le dicton du jour :
« rougeur  du matin la pluie en chemin - Rougeur du soir fait couler l’arrosoir»