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La stimulation transcrânienne à courant direct (tDCS) : y a-t-il une chance qu'il se passe quoi que ce soit ?

Publié par Laurent Vercueil, le 21 avril 2016   18k

La neuromodulation par stimulation électrique connait un essor formidable, comparable à la période de l'électrisation mise à toutes les sauces à la fin du XIXème siècle. La stimulation cérébrale profonde, découverte et appliquée dans différentes indications par l'équipe Grenobloise de Pierre Pollak et Alim-Louis Benabid au cours des années 80 et 90, la stimulation magnétique transcrânienne répétitive (rTMS), la stimulation de troncs nerveux (comme la stimulation du nerf vague, la stimulation du nerf occipital, du XII, etc..) ont pris place progressivement dans l'arsenal thérapeutique du XXIème siècle.

La dernière venue est la tDCS, stimulation transcrânienne à courant direct, qui est d'une simplicité désarmante : deux électrodes sont disposées sur le cuir chevelu, dont l'une est l'anode, et l'autre la cathode. L'application d'un courant de faible ampérage (1 à 2 mAmp) est considérée comme excitateur au niveau de l'anode, et inhibiteur sur la cathode. Il est alors admis que la mise en place de cette stimulation électrique sera inhibitrice sur les régions cérébrales se situant sous la cathode, et excitatrice au niveau de l'anode. A ce stade, il existe une certaine contradiction dans le fait que le manque de précision est tout à fait accepté comme principe dans l'application de cette technique de stimulation, mais que, néanmoins, de nombreuses indications très diverses (1), font l'objet d'essais souvent concluants, où telle région cérébrale est ciblée en fonction de présupposés physiopathologiques.

A ce jour, on peut dire qu'aucune pathologie où le fonctionnement cérébral pourrait être en jeux n'a échappé au champs d'application de la tDCS. Il faut dire que la technique a une réputation d'innocuité totale, le seul désagrément pouvant être représenté par le fourmillement du cuir chevelu ressenti lors du démarrage du courant.

Or, cette innocuité pourrait aussi s'expliquer par l'absence totale d'effet et d'influence sur le fonctionnement du cortex : Le grand neurophysiologiste américain Gyorgy Buzsaki a révélé, au cours d'une présentation en congrès rapportée dans le magazine Science, qu'une étude pratiqué sur des cadavres montrait que l'application de la tDCS sur le scalp ne s'accompagnait d'aucune entrée de courant à l'intérieur du crâne. Rien, nada, que pouic.

En somme, tout le courant administré reste à l'extérieur de la boite crânienne. Aucune chance que cela n'influence l'activité du cortex le moins du monde. Et qu'il s'agisse de cadavre et non d'être vivant ne change rien, au contraire, pour Buzsaki, le cuir chevelu vivant étant plus hydraté que celui d'un cadavre, il devrait récupérer plus de courant pour lui et donc en transmettre encore moins pour l'intracrânien. Buzsaki pense que, pour espérer avoir un effet significatif sur l'activité du cortex, une intensité de courant d'au moins 4 mAmp, soit l'équivalent d'une décharge d'armes défensives ("stun gun") !

Poussant le souci scientifique à un point ultime, Buzsaki rapporte avoir tenté une stimulation à 5mAmp sur... lui-même, et avoir vite interrompu l'expérience, s'étant senti "plutôt très mal" (2).


>> Notes :

  1. Alzheimer, Parkinson, Hémiparésie, Aphasie, Schizophrénie, Autisme, Fibromyalgie, Huntington, Dépression, TDAH, douleurs rebelles, entre autres...
  2. “It was alarming,” he says, warning people not to try such intense stimulation at home.

>> Crédit : le dispositif de tDCS de NeuroCare