Quand des élèves s'intéressent aux changements des forêts
Publié par L'Ouvre-Boîte - Université Grenoble Alpes, le 19 février 2024 690
Depuis plusieurs mois, les élèves du lycée Camille Vernet (Valence, Drôme) se posent la même question : comment nos forêts s'adaptent au changement climatique ? Leur projet scientifique a reçu le soutien du Fonds Vittorio Luzzati alors pour tenter de répondre à cette épineuse question, ils ont passé une journée à l'Université Grenoble Alpes, à la rencontre des scientifiques qui travaillent sur le sujet.
« Vous voyez le jeu vidéo Minecraft ? Mon travail c’est de faire la même chose mais sur les forêts ! » Sur l’estrade de la grande salle de l’INRAE, Nathéo Beauchamp (LESSEM) s’adresse à un public pour le moins inhabituel. Calepin à la main, les lycéens notent scrupuleusement la moindre de ses remarques. Sous leurs yeux, le doctorant utilise le logiciel sur lequel il travaille pour simuler l’évolution d’une parcelle forestière. Après quelques secondes de calcul, l’écran affiche l’image de la parcelle dans 100 ans. « Vous voyez comme moi que la répartition des espèces a changé entre les 2 images. Mon travail, c’est de faire en sorte que les prévisions du logiciel soient le plus fidèles possible à la réalité. » L’exposé est facile à comprendre, et pourtant nous sommes bien au cœur d’un sujet de thèse. Les questions fusent dans la salle, et elles sont parfois bien plus techniques que ce à quoi on pourrait s’attendre de la part de lycéens.
Mais déjà le temps presse et l’intervenant suivant entre en scène. Cette fois-ci, Franck Bourrier (INRAE) présente ses travaux sur le rôle des forêts pour prévenir des chutes de blocs. Voitures écrasées, maisons éventrées, les photos interpellent les élèves. Vidéos à l’appui, le scientifique aborde tour à tour la résistance des arbres, leurs modes vibratoires lorsqu’ils sont frappés et les critères qui font qu’une forêt stoppe plus ou moins les chutes de blocs. Toute la salle l’écoute attentivement. En apparence, le sujet n’a pas grand-chose à voir avec la modélisation des forêts qu’ils ont vu précédemment. Et pourtant, les liens sont nombreux.
Comme pour illustrer cela, les élèves enchaînent avec la visite du laboratoire Manival. Dans cet endroit, on étudie les avalanches, laves torrentielles et autres écoulements de grande ampleur. Au pied d’une cuve qui recrée des avalanches, Hervé Bellot (INRAE) explique ses travaux sur les écoulements turbulents et l’impact des avalanches sur les forêts. Jusqu’à la fin de la matinée, les lycéens visiteront son terrain de jeu, passant d’une rivière artificielle à une cuve simulant un torrent de montagne.
L’après-midi se déroule dans un amphithéâtre de l’autre côté du campus universitaire. Raphaël Lachello (LARHRA) les y attend de pied ferme pour discuter Histoire de l’environnement. Son sujet ? Les forêts évidemment. Ou plutôt les liens entre forêts et activités humaines. Au tableau, il affiche des documents administratifs d’un autre temps, qu’il prend plaisir à décortiquer. « Vous voyez peut-être un vieux papier long à lire et sans intérêt, mais moi je vois une archive historique incroyable qui m’indique le nombre précis d’arbres et d’espèces qu’il y avait dans le passé dans la vallée que j’étudie ! » La discussion s’installe avec les lycéens. L’historien détaille les méthodes d’investigation dont il dispose pour comprendre le passé de nos forêts. Son approche est très différente de celle des scientifiques que les élèves ont rencontré le matin. Et pourtant, elle est parfaitement complémentaire à leurs travaux. « L’interdisciplinarité de mon travail, c’est l’une des choses qui me plaît le plus » ajoute Raphaël. « C’est comme ça qu’on parvient à étudier précisément un sujet aussi complexe que les forêts et leurs évolutions : en collaborant avec des spécialistes venus d’autres disciplines. »
La journée se conclura ainsi, après une énième question autour de l’évolution des forêts et de leurs adaptations au du changement climatique. Les élèves repartiront probablement avec davantage de questions que de réponses. Peut-être la plus belle preuve que le temps d’une journée ils auront évolué au plus près de la recherche scientifique.
Cet article a été rédigé par Quentin Daveau, assistant de médiation scientifique à la Direction de la culture et de la culture scientifique de l'Université Grenoble Alpes.