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Mémoires du Futur

De l’imaginaire et de la faculté d’imagination - III

Publié par Jean Claude Serres, le 27 novembre 2023   610

Dans les 3 articles photographies(Mercantour en automne) et les schémas sont de ma realisation personnelle. 

Les cartes mentales qui vont être commentées ici intègrent les relations systémiques, fractales et holomogrammatiques entre nombres de concepts. Loin de clôtures mêmes poreuses, chaque concept se nourrit, contient en partie ou à minima interagit avec les autres concepts.  Chaque concept est donc placé en tension et en énergie avec les autres, que ce soit dans la dimension psychique, dans le support neurobiologique ou dans l'entre deux, l’interface. Cette démarche  associe la pensée chinoise classique de mise en tension, à la pensée occidentale par trop catégorisante. Pour métaphore, en chinois le paysage peut être désigné par le couple “Montagne-Eau” qui met en tension le côté rigide pointant vers le ciel de la montagne et le côté fluide de l’eau qui se dirige du haut vers la mer ou l’océan.

La dimension hologrammatique peut être appliquée dans la principale méthode du Kaizen (Culture japonaise), le “5S” . Pour maintenir l’ordre et le rangement 5 actions sont à mettre en œuvre successivement : Jeter - Ranger - Réparer - Maintenir - Améliorer. Chaque action pour être mise en œuvre nécessite d’appliquer les autres actions.

1 - Perception de l’être humain 

Dans l’usage courant la dualité homme femme caractérise l’analyse par catégorie. La race, la couleur, la peau, l'ethnie, l’appartenance à une tradition religieuse, à un parti politique, à une corporation professionnelle ou encore à multiples pratiques sportives ou culturelles, participent à d’autre catégorisation de la population. 

Le schéma suivant propose une mise en tension de quatre pôles représentant un être humain : 

Quand deux personnes se rencontrent pour la première fois, elles le font dans l’instant présent d’individu à individu quelles que soient les intentions initiales, les représentations mentales de l’autre. Une première image catégorisée de l’autre a déjà surgi dans l’imaginaire de chacun : homme, femme, noir, blanc, etc. va caractériser une première représentation du pôle organique ou sujet de l’autre. Quelques mots préciseront les rôles : sociétal respectif. Lors de cette première rencontre, la part de l’étranger de l’autre est considérable. Le cerveau de chacun va faire des projections plus ou moins pertinentes car nous avons un besoin quasi biologique de donner du sens : ce sont les préjugés. 

Dans cette représentation chaque individu est doté de quatre pôles. Chacun des pôles est construit voire contient les autres. Le pôle méta que la métacognition soit conscient ou non n'est  jamais accessible à l’autre personne. Seule la mise en mots par le pôle “personne”  permettra de communiquer à l’autre individu une partie consciente de ce pôle (par introspection).Ce pôle caractérise le système de valeur, la maîtrise ou non de son projet de vie, le sens ou la spiritualité qui l’anime.

Le pôle acteur recouvre tous les rôles exercés dans le passé, au présent et éventuellement projeté dans le futur. Le pôle organique ou “sujet” de l’individu caractérise les fondamentaux les caractéristiques génétiques épigénétiques, environnementales  et culturelles de son itinéraire de vie.

Nous allons progresser dans la représentation par un autre schéma identifiant quatre familles de processus psychiques inconscients. Ce schéma a été inspiré par une image analysée dans le tome IV de la méthode d' Edgar Morin. 

Dans cette carte nous retrouvons un premier positionnement de l’imaginaire très proche de la noosphère, la biosphère qui supporte aussi les processus psychiques, cognitifs  et relationnels qui vont faire émerger les états de conscience.

Un autre schéma en grande proximité avec celui là.

Une présentation des états de consciences qui s’inscrit dans la théorie de l'espace global de travail conscient proposée par Stanislas Dehaene et du livre de Lionel Naccache (le cinéma intérieur ) peut être schématisée par la carte suivante : 

Ces premières cartes mentales précisent un premier niveau de représentations qui habitent mon imaginaire de la personne humaine. 

2 - Perception de la nature de l’imaginaire 

La plupart des mots-clefs qui vont nous amener à partager des savoirs et des pratiques sont polysémiques. Cela entraîne des confusions et des incompréhensions. Dans la démarche scientifique chaque terme utilisé a un sens précis et unique. Mais dans la vraie vie, dans notre quotidien comme dans nos discussions profondes c’est rarement le cas. Nous sommes confrontés à comprendre le sens des termes de celui qui s’exprime, à le questionner sur cela. Nous pouvons découvrir ainsi à travers l’écoute du vocabulaire combien notre langue est vivante, contextuelle et nous permet de discerner les propos de

chacun. Chaque sens donné à un terme peut être subjectif et arbitraire. Il n’y a pas de vérité ni de certitude en la matière.

Le sens que je vais attribuer est donc arbitraire et singulier, lié à mon itinéraire de vie !

Imaginaire : C’est le réservoir de toutes nos ressources intellectuelles mentales, cognitives émotionnelles affectives relationnelles. Un voisin proche ou synonyme est la noosphère : la sphère des idées. L’imaginaire collectif est très proche du terme culture. L’imaginaire individuel est le fruit de notre itinéraire de vie et de nos rencontres. L’imaginaire constitue la source de nos intuitions et de notre capacité à imaginer, à créer. Il est aussi le

produit de notre imagination, comme nos apprentissages et conditionnements donc paradoxalement aussi le fruit de nos contraintes et limites à créer. Développer l’imaginaire consiste souvent à sortir de notre zone de confort.

Imaginer - Imagination – Créativité : c’est notre capacité à créer des images, des récits, de la musique, à nous adapter à ce qui advient. c’est le moteur de la recherche scientifique. C’est aussi le moteur d’un cheminement spirituel et la faculté de réaliser des diagnostics d’action stratégique, etc. Ce processus créatif s’appuie sur des raisonnements et aussi des intuitions. L’imagination est très proche de la créativité. Cette dernière est moins naturelle ou innée. La créativité est une compétence individuelle ou collective, un processus de création qui peut se développer avec des outils et des méthodes : les moteurs de créativité .... La créativité permet de faire advenir des idées nouvelles ou encore des systèmes d’idées organisées. La créativité peut être pensée comme un ensemble de processus.

Inventer : C’est notre capacité à faire advenir une idée ou un système d’idées nouveau. Dans notre culture, très liée à la propriété, l’inventeur cherche à se protéger par des brevets, des marques, des enveloppes solo. Dans le champ artistique et littéraire, le brevet est remplacé par la « propriété intellectuelle ».

Innover – innovation : c’est le processus qui conduit à un résultat. La mise en place dans le quotidien d’une idée créée ou inventée : la voiture, l’avion, le pc, etc. pour les innovations techniques. Le Toyotisme, le Fordisme, la norme ISO donnent des exemples pour les innovations organisationnelles. L’invention de la monnaie, des congés payés... sont des innovations sociales.

Créer – Création : c’est le synonyme du couple précédent : Innover Innovation dans le champ artistique : performance, œuvre littéraire, tableau de peinture, spectacle vivant, film.

Il est important de bien discerner les processus d’innovation et de création des processus de créativité : 90 % de sueur et 10 % de fun créatif.

Créativité – Sérendipité : La créativité déjà définie se décompose en processus individuels et collectifs, en créativité intégrative et créativité de rupture. La sérendipité est une créativité liée au hasard d’une découverte. L’intuition est une ressource cognitive ou cérébrale. C’est une compétence qui peut aussi se développer. On peut avoir un processus créatif de rupture qui conduit à un processus d’innovation intégratif et vice versa.

3 - Relation entre l’imaginaire  et l’intelligence ou la faculté d’imagination

Ces deux nouveaux schémas représentent la tension entre  les processus créatifs ou d’imagination et certaines des facultés d’intelligence. Ces facultés s'immergent dans les deux modes de la psyché et du biologique. La psyché est abordée dans mon approche par la théorie de l’information, soit la psychosociologie des organisations . Le versant biologique est abordé par les sciences cognitives et  les neurosciences.

Ce dernier schéma ouvre la porte à un autre questionnement d’une grande importance: comment aborder la place que va prendre l’intelligence artificielle dans l’organisation de notre vie sociale et la transformation de notre rapport au travail. Le travail réalisé dans l’article II avec l’outil dans sa version gratuite ChatGPT donne une idée  de l’ampleur des changements sociétaux et professionnels potentiels.

Pour illustrer cela, une petite anecdote : en 1980, jeune ingénieur concepteur de machine textile j’ai implanté un automate programmable (langage grafcet)dans deux armoires de pilotage électrique d’une carde et d’un étirage coton. Ce faisant, j'ai supprimé d’un trait de plume autant inconscient que l’équipe dirigeante, toute une équipe de techniciens régleurs électromécaniques.

L’arrivée du numérique et de l’intelligence artificielle délocalise une partie de l'intelligence humaine dans des machines. Depuis les années 80 cette capacité de délocalisation croît de manière exponentielle en corrélation avec la loi de Moore (accroissement de la puissance des micro ordinateurs). 

Comment tout cela va transformer notre société , nos imaginaires collectifs et individuels ? Chaque application d’IA va accroître de manière significative les compétences moyennes de la population avec des effets bénéfiques mais aussi des facteurs de croissance des inégalités.

Ces derniers points peuvent être approfondi dans les articles suivants : 

intelligence humaine

IA et coaching 

cerveau ou deep learning : qui gagnera ?

En conclusion de ces trois articles

Si l’on considère l'ampleur des informations à prendre en compte, les multiples sources et références données dans ces trois articles, une approche purement symbolique sera très restrictive et une approche purement connexionniste sera bien difficile à intégrer. Pour clarifier le schéma qui va suivre je vais désigner les entités ou objets de pensée suivantes : 

  • Noosphère : l’ensemble des idées et systèmes d’idées organisées codées de manière symbolique (pensées  linéaires  verbalisables) 
  • Imaginaire  : l’ensemble des idées et systèmes d’idées organisées, codées de manière connexionniste  (pensées paysage cartographiée) 

La Noosphère-Imaginaire propre à la culture française sera représentée par deux grands cercles. Elle est produite majoritairement par la pensée symbolique de façon humaine

La Noosphère-Imaginaire propre à l’élaboration de l'Intelligence Artificielle bien qu’ issue de source humaine sera qualifiée d’artificielle. Elle déborde largement l’espace culturel français et sa nature aujourd’hui est principalement connexionniste.

Les losanges rouges représentent les Noosphères-Imaginaires individuelles majoritairement portées par la culture symbolique. Quelques exceptions mixent les deux approches. Les personnes en relation avec les quatre domaines sont essentiellement les innovateurs en IA.

Les pentagones violets représentent les IA individuelles productrice d’idées ou d’images. 

La tension entre les Noosphères-Imaginaires humains localisées ( nation, culture, individuels) et les Noosphères-Imaginaires artificielles (bases de données) va présenter des menaces et des opportunités majeures pour chaque pays dans les années à venir. Les enjeux sont tels que sur le plan international les postures protectrices semblent bien illusoires. Les postures d’un Yann Lecun  ou d’un Sam Altman prônant la course à une IA bienveillante paraissent incontournables. Il n’existe pas de permis d’inventer mondial. 

Pour chaque personne la question qui me paraît essentielle est de décider ce qui peut être délocalisé ou pas et dans quelle finalité. Autrement dit, comment chacun va développer son intelligence créative qu'elle soit symbolique ou connexionniste, comment va-t’il pouvoir grandir en humanité ? La question va toucher toutes les sphères éducatives parentales scolaires et universitaires. Comment faire grandir un lycéen, en esprit critique, en humanité et en employabilité quand il aura à sa disposition via des IA perfectionnées davantage que ce que toute personne éducative pourrait lui apporter.

Enfin un juste rééquilibrage éducatif entre les apprentissages symboliques et connexionnistes permettra à chacun de pouvoir grandir en intelligence, en faculté de comprendre et d’intégrer la complexité du monde en devenir.

La démarche du laboratoire des imaginaires a pour intention de sensibiliser à l’utilisation des cartes mentales pour condenser et intégrer la complexité du monde dans l’élaboration de nos représentations subjectives de la réalité comme dans nos capacités d’imagination.