Demain tous malades : l’explosion des maladies métaboliques

Publié par Encyclopédie Environnement, le 18 juillet 2023   1.1k

Article rédigé par Daniel Samain, pour l'Encyclopédie de l'Energie.

On qualifie de métaboliques, les maladies qui ne sont dues ni à des microorganismes infectieux ni à des défauts génétiques. L’obésité, le diabète, les maladies cardiovasculaires, les cancers, les maladies psychiques et de neurodégénérescence, les maladies auto-immunes, les caries dentaires et les parodonties en sont des exemples bien connus. Elles ont toutes en commun d’être générées par les conditions dans lesquelles nous vivons et donc, d’une certaine manière, d’être auto infligées. Elles sont probablement aussi anciennes que l’espèce humaine elle-même mais ce que nous savons, c’est que leur taux d’occurrence au sein des peuplades paléolithiques qui sont nos ancêtres immédiats, était extrêmement faible. A contrario, nous assistons depuis les années 1950 à une forte recrudescence de ces maladies que rien ne semble arrêter. On parle ainsi à leur sujet d’une véritable « explosion ». Dans certains pays, la quasi-totalité de la population est soit obèse soit en surpoids. Aucun pays n’est épargné y compris ceux à faibles revenus. Au niveau mondial, on dénombre plus d’un milliard d’obèses dont, de manière inquiétante, de plus en plus d’enfants. D’une façon paradoxale, la médecine dont les progrès paraissent pourtant foudroyants dans de nombreux domaines, semble complètement impuissante face à ce raz de marée. Tout au plus parvient elle à traiter, mais encore très imparfaitement, certains des symptômes des maladies métaboliques. Les conséquences économiques, sociales et humaines qui en résultent sont gigantesques. Leur coût global immense est même tel qu’il risque d’empêcher nos sociétés industrielles d’adresser les problématiques pourtant essentielles à la survie de l’espèce humaine du dérèglement climatique et de la déplétion des ressources.

D’où viennent donc les maladies métaboliques et comment se fait-il que nous soyons individuellement et collectivement incapables d’y faire face alors que leurs conséquences gravissimes sont pourtant évidentes aux yeux de tous?

Nous formulons l’hypothèse selon laquelle l’explosion actuelle de ces maladies est due à la conjonction de deux facteurs principaux.

  • Contrairement à ce que nous croyons, notre alimentation actuelle essentiellement basée sur les sucres et sur les glucides amylacés(amidon) est tout à fait inadaptée à notre physiologie.
  • Cette inadaptation qui était déjà très problématique est rendue plus aigüe suite à l’épidémie de sédentarité engendrée par le règne des « machines ».

C’est notre anthropocentrisme aveugle qui nous fait croire que les sucres et les glucides amylacés sont notre nourriture naturelle physiologique. En réalité, ce n’est qu’à l’époque du néolithique, c’est-à-dire il y a à peine 10 000 ans que les hommes ont commencé à se sédentariser et à domestiquer les céréales. 10 000 ans, c’est bien sûr extraordinairement long à l’échelle d’un individu mais ce n’est qu’un battement de paupière pour l’évolution qui est à l’œuvre depuis 4 milliards d’années.

Scientifiquement parlant, l’erreur grossière qui est commise est de penser que la molécule centrale de notre métabolisme énergétique est le glucose et par extension l’amidon (pour rappel l’amidon est un homopolymère de glucose).

C’est naturellement tout à fait faux car on sait depuis près d’un siècle et les travaux d’Otto Warburg et de son élève Hans Krebs, que la molécule centrale de notre métabolisme énergétique est l’acide acétique. C’est cette dernière molécule qui est en effet seule capable d’être oxydée par nos mitochondries et de nous fournir l’importante énergie dont nous avons besoin. Il ne s’agit pas d’une nouveauté qui serait propre à l’homme car l’acide acétique est la source principale d’énergie de tous les organismes eucaryotes depuis environ 2 milliards d’années ! L’acide acétique est une molécule que nous connaissons bien car il s’agit de notre vinaigre commun mais pour la plupart d’entre nous, il s’agit surtout d’un condiment qui n’est pas forcément perçu comme une source d’énergie majeure. Il en va tout autrement de sa principale forme de stockage qui se fait sous forme de triglycérides autrement dit de gras. La figure 1 ci-dessous retrace schématiquement les relations métaboliques entre l’acide acétique, le glucose, l’amidon, le gras et le CO2.

Figure 1 : Relations métaboliques entre l’acide acétique, le glucose, l’amidon, le gras et le CO2 – source : auteur

Manger du gras, en dépit de tous les préjugés, est donc tout à fait excellent car c’est simplement manger de l’acide acétique sous une forme protégée et concentrée. Depuis des dizaines de millions d’années, nous avons été physiologiquement adaptés à stocker et à utiliser du gras. Celui-ci nous a fourni au quotidien l’énergie dont nous avions besoin et constitue de plus une réserve vitale qui représente normalement 10 à 15% de notre masse corporelle. C’est elle qui nous a permis de traverser les inévitables famines. Quand nous consommons du glucose, nous devons le convertir en acide acétique avant de pouvoir le bruler dans nos mitochondries. Quand nous mangeons trop de glucose, nos capacités de stockage en tant que tel sous forme de glycogène sont très faibles et nous convertissons tout l’excès … en gras !

Notre adaptation au gras provient tout simplement de notre lointain passé d’herbivores. Ces derniers se nourrissent de fibres végétales qui sont composés de polysaccharides non amylacés et notamment de cellulose. Ces fibres sont hydrolysées par les enzymes du microbiote intestinal et les sucres simples résultants sont fermentés en … acide acétique. Cette dernière molécule, qui est donc décidément magique, est capable de traverser seule la paroi du colon et de diffuser dans tout l’organisme avant d’être brûlée dans les mitochondries pour fournir de l’énergie. En cas de production excédentaire d’acide acétique, le surplus est stocké sous forme de gras. Celui-ci peut donc être fourni par l’acide acétique fermentaire mais également par simple ingestion alimentaire de corps gras. Les tourteaux d’oléagineux sont par exemple fréquemment utilisés comme complément de l’alimentation de bovins. L’émergence de l’espèce humaine est liée à la découverte par les premiers homo habilis et grâce à leurs outils primitifs de l’immense source de gras contenu dans la moëlle jaune des ossements qui parsemaient les savanes de l’époque.

C’est le gras, pas le glucose, qui a fait progresser l’espèce humaine, qui a permis de faire grossir son cerveau de manière phénoménale, le faire devenir chasseur cueilleur, lui faire maitriser les outils et le langage.

Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles le glucose est une très mauvaise source d’énergie. Il n’est pas possible naturellement d’en faire le tour dans ce très court texte. Pour les sceptiques les plus endurcis, citons pourtant une des plus évidentes. Nous aimons nous penser comme l’espèce qui se situe au sommet de l’évolution. A supposer que cela soit vrai, que faudrait-il alors penser de la pertinence d’un processus qui aurait fourni à son espèce la plus évoluée, nous, une alimentation qui serait éminemment toxique pour ses dents et qui donc le condamnerait à mort plus ou moins rapidement? C’est pourtant bien ce qui se passe avec la présence dans la salive d’enzymes amylase qui sont capables d’hydrolyser l’amidon en glucose, lequel va être fermenté en acide lactique par les bactéries buccales et être ainsi à l’origine de nombreuses caries. Sans brosses à dents, sans dentifrices ni dentistes, les caries laissées à elles-mêmes sont naturellement des affections extrêmement graves. Plus de dents, plus de business pourrait-on dire, c’est la mort. La comparaison des fossiles du paléolithique et du néolithique indique très clairement une explosion du nombre des caries dentaires chez les hommes du néolithique avec bien sûr une diminution corrélative très importante de leur espérance de vie.

Mais alors pourquoi au juste, ne constatons-nous que maintenant la fameuse explosion des maladies métaboliques ? C’est simplement que l’espèce humaine depuis le début du néolithique a toujours dû mener une vie très active (souvent d’ailleurs pour éviter les coups de fouets de maîtres irascibles) et que le glucose consommé était ainsi immédiatement transformé en énergie sous forme d’ATP. L’arrivée de la « machine » nous a rendu sédentaires au point de l’inaction physique quasi totale et le glucose en excès ne pouvant être converti en énergie n’a eu d’autre possibilité que de se transformer en gras. Mais cette néo synthèse du gras qui se fait dans le foie ne conduit pas du tout à la même biodistribution lipidique. Contrairement au gras alimentaire qui se stocke de manière non toxique dans les adipocytes sous cutanés, le gras néo synthétisé à partir de glucose se stocke dans la cavité viscérale (c’est le tristement fameux « bide ») où il se révèle extrêmement toxique notamment pour le cœur et le pancréas autour desquels il se dépose, générant maladies cardiaques et diabète.

Notre incapacité à lutter contre les maladies métaboliques provient du fait que nous avons culturellement déifié les céréales et à l’inverse diabolisé le gras et que nous nous acharnons avec une grande constance dans notre erreur. Pour guérir des maladies métaboliques, la recette est simple, il suffit de faire un virage à 180°, éliminer de notre alimentation tout ce qui est sucres et amidons et passer au gras + un peu de fibres (nous verrons à une autre occasion, pourquoi les fibres). Depuis que je l’ai fait il y a 5 ans, ma vie s’est fabuleusement transformée et c’est comme si j’étais enfin sorti de prison. C’est aussi le cas d’un nombre de plus en plus important de personnes. Soyons donc optimistes, les jours de l’explosion des maladies métaboliques pourraient finalement être comptés.

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