Pour son 11^ème épisode, InPacte met le focus sur l’effet de la covid-19 sur les personnes âgées en EHPAD. La parole est donc donnée à Pauline Launay, post doctorante en sociologie, qui a participé à la recherche nationale « COVIDEHPAD » sur le territoire Auvergne-Rhône-Alpes.

Une étude qualitative en trois axes

L’étude COVIDEHPAD a pour objectif d’examiner la manière dont la première vague de la pandémie, de mars à mai 2020, a été vécue dans les EHPAD. Dans cette optique, trois axes ont été dégagés : l’expérience du confinement par les résidents, les transformations des pratiques professionnelles et l’accompagnement des décès.

Contrairement à des études quantitatives comme celle menée par l’Odenore dans le précédent épisode, cette recherche est dite « qualitative », puisqu’elle met l'accent sur le discours des enquêtés et leur expérience. Elle s’est donc basée sur la combinaison d’entretiens avec différents types de professionnels, avec des résidents et des proches dans un même établissement. Une méthode qui permet ainsi de comprendre assez finement le déroulement chronologique de la première vague pour chaque établissement enquêté et de pouvoir en tirer une vue plus générale sur l'expérience du confinement dans les EHPAD.

Un échantillon de 52 établissement a donc été construit pour mener près de 270 entretiens, toujours dans l’idée d’étudier un panel d’EHPAD le plus varié possible : privés comme publics, ruraux ou urbains et équipés ou non de dispositifs particuliers en cas de troubles cognitifs. Une diversité qui s’est également ressentie dans les personnes interrogées en termes d’âge, de milieux sociaux et de degré d’autonomie.

Des pratiques et des pratiquants bouleversés

La première vague de la pandémie a produit un contexte de forte incertitude, ce qui s’est traduit pour les EHPAD par une véritable mise en tension. Entre manque de personnel et pénurie de matériel, cette période s’est révélée épuisante pour les professionnels comme pour les résidents. Dans ce contexte, les équipes ont dû se réorganiser et adapter leurs pratiques en fonction de la fermeture au public et de la sectorisation interne progressive de leur organisation, provoquant des coupures au sein des équipes. Deux phénomènes qui ont produit une sensible augmentation du travail et de la charge mentale des professionnels, ainsi qu’un certain nombre de dilemmes éthiques dans la protection des résidents. En conséquence, la recherche met en lumière le sentiment général d’avoir été maltraitant avec les résidents, dans le cruel paradoxe de travailler plus pour un accompagnement dégradé.

Un ressenti qui revient également concernant les décès, du fait de leur brutalité et de leur accumulation, qui ont rendu le contact aux familles d’autant plus difficile. Le risque de contamination ayant conduit à des protocoles de mise en bière immédiate, les professionnels ont ainsi rapporté l’impression que les corps disparaissaient brutalement ; tandis que les familles ont souvent eu des réactions d’incompréhension, de colère ou même de suspicion, du fait de l’impossibilité de voir les défunts. Une intrusion du funéraire dans des lieux de vie qui a donc été un véritable choc pour les équipes en EHPAD.

Du coté des résidents en revanche, le vécu du confinement a été un peu plus dispersé. En effet, les conditions de vie sont devenues beaucoup plus individuelles et se reposaient sur les ressources propres plutôt que collectives. L’aménagement des chambres, le mobilier, l’accès à une tablette ou à un téléphone et la capacité de s’en servir, autant de facteurs qui ont rendu le confinement très contrasté d’un résident à l’autre. En conséquence, la crise a simplement rendu visible les inégalités sociales déjà existantes.

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