Pour ce nouvel épisode, nous accueillons Stéphane Cartier, membre de l’équipe Environnements de Pacte et spécialiste des politiques publiques de réduction des vulnérabilités aux risques naturels :

La crise de la Covid-19 : une “simple catastrophe naturelle” ?

Pour Stéphane, la crise de la covid-19 est comparable à un désastre naturel : malgré une forte croyance selon laquelle notre civilisation maîtrise les questions sanitaires, le virus de la covid-19 a frappé avec la même violence qu’une tempête qu’on aurait pas pu prédire. Le confinement global qui a suivi serait-il la conséquence d’un problème de contrôle de la nature ? Cette mesure soulève en effet des questions analogues à la gestion d’une catastrophe naturelle, principalement en ce qui concerne les contraintes acceptables pour sortir de la crise. De plus, la question de la mortalité acceptable est également prépondérante dans la gestion d’une catastrophe naturelle comme de la crise de la covid-19 ; un seuil qui reste très complexe à définir. Et pour cause : à quel seuil peut-on décréter que la crise est passée ? Comment définir une situation acceptable ?

Une mortalité tolérable plus haute...

Stéphane explique que, pour tenter de définir un seuil, il faut d’abord bien connaître la population du pays concerné afin de tenir compte de sa démographie ordinaire. Le problème étant qu’en France, on ne compte pas les morts de la même façon qu’en Belgique ou aux Pays Bas. En conséquence, leur taux de mortalité paraît plus faible, puisqu’ils sont plus scrupuleux pour identifier les décès causés par le covid-19.

Pour autant, il n’y a pas de “bonne manière” de définir un seuil de mortalité tolérable. Dans le cas des risques sismiques, le seuil européen est basé sur une référence Suisse, elle-même calculée sur le base de la mortalité automobile de ce pays. Autrement dit, les immeubles français sont construits par rapport au nombre d’accidents mortels sur les routes suisses… De même, Stéphane rappelle que le contexte est important à prendre en compte dans l’évaluation de ce seuil : “avoir 1000 morts à l'heure lors de la fameuse bataille de Marignan, c'est admis, c'est la guerre. Avoir 400 morts par jour en France, en 2020, c'est inadmissible”. On a donc une crise dont la mortalité est difficile à cerner et à gérer et qui a, contre toute attente, dégénéré au point d’en arriver à stopper l’économie pour tenter de stabiliser le nombre de décès via un confinement généralisé.

...Et une gestion la crise plus complexe

La pandémie mondiale de la covid-19 ne peux pas donc être gérée de la même manière qu’une catastrophe naturelle, d’autant plus parce qu’elle est mondiale. On sort donc des protocoles établis en cas de tempête ou de séisme, qui sont des phénomènes localisés. A l’inverse, la pandémie a remis en question toute la gestion des frontières et des échanges de marchandises et de population, dans une économie pourtant largement orientée vers le tourisme et le commerce international… C’est également la capacité à porter secours aux populations qui est compromise, puisque la manière la plus efficace de traiter le virus de la covid-19 est d’en isoler les porteurs.

Ainsi, là où les catastrophes naturelles justifient des tendances au regroupement et à la solidarité, la crise de la covid-19 est déroutante dans son traitement basé sur la séparation et le confinement des populations. Car la principale vulnérabilité, dans cette crise, c’est bien le rapport à “l’autre”, qui est devenu en quelques mois un véritable danger. Une attitude va complètement à l’encontre du fonctionnement d’une société et dont les conséquences psychologiques risquent d’être un des enjeux majeurs du “monde d’après”.

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