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La voix de son maître et le cerveau de son chien

Publié par Laurent Vercueil, le 30 août 2016   10k

Chacun prête à son chien des facultés remarquables... A ceux des autres, un peu moins, il est vrai. En somme, tous les aboyeux sont un peu idiots (voire, dangereux), sauf le mien... qui me comprend si bien.

Pas si bête : des travaux qui viennent d'être publiés dans la revue Science (1) suggèrent que les chiens comprennent non seulement le vocabulaire employé par leurs maîtres, mais aussi, l'intonation avec laquelle les mots sont prononcés. Et ce, comme l'homme, avec un hémisphère ou l'autre... Une spécialisation hémisphérique pour le langage et la prosodie dont on pensait qu'elle était l'apanage humain !

Une équipe hongroise, pilotée par Attila Andics, a entraîné 13 chiens de races variées (borders collies, golden retrievers...) à se tenir immobile pendant le temps nécessaire à la réalisation d'images IRM permettant de mesurer les activations des structures cérébrales correspondant à la réalisation de tâches. Pendant l'acquisition, des enregistrements de la voix de leurs maîtres était jouée à l'oreille du toutou. Et donc : des images sont produites...

Au cours de l'étude, les chiens pouvaient entendre la voix de leur maître exprimant, tour à tour, des louanges sur un ton neutre, des termes neutres sur un ton de louange, des louanges sur un ton louangeux, et des termes neutres sur un ton... neutre. La boucle est bouclée, il ne reste plus qu'à observer la façon qu'ont les cerveaux des toutous à l'oeuvre de traiter la voix du Maître...

Le résultat montrait que les chiens étaient capables de distinguer les différents termes utilisés, indépendamment du ton dans lequel ils étaient prononcés, en utilisant leur hémisphère gauche.

De plus, ils étaient capables de discerner l'intonation utilisée, indépendamment du terme employé, en utilisant leur hémisphère droit.

Enfin, les termes louangeux prononcés avec l'intonation adéquate mobilisaient les circuits de la récompense, impliquant la dopamine.

A la vérité, ces résultats ne vont pas étonner les heureux familiers de ces compagnons dont la fidélité est légendaire. Apprenant la nouvelle à ma chienne Malamute, elle m'a regardé avec comme une forme d'accablement, il m'a semblé. Reconnaissons toutefois qu'une spécialisation hémisphérique pour le langage chez un animal dont la domestication par l'homme ne remonte pas si loin (2) ne lasse pas d'étonner. L'hypothèse des auteurs est qu'elle repose sur des fonctions détournées de leur but initial, comme beaucoup de ces fonctions qui recyclent des aires cérébrales dévolues à tout autre chose (le gyrus fusiforme gauche pour la reconnaissance des mots chez l'homme, par exemple) (3).

Comme si le chien était destiné à s'entendre bien avec l'humain. Ou qu'il était normal qu'ils s'entendent bien, compte tenu de leurs facultés respectives. Cette deuxième hypothèse a ma préférence.


>> NOTES

  1. Andics A. et al. Neural mechanisms for lexical processing in dogs, Science 2016: DOI: 10.1126/science.aaf3777 (lien vers la publication et vers un article en anglais sur phys.org)
  2. Paléolithique, si on en croit le document signé Germonpré, ci-attaché, trouvé sur la toile
  3. L'article fait l'objet d'un éditorial de la part de Science