Le secret des impasto de Rembrandt dévoilé

Publié par Esrf Synchrotron, le 31 janvier 2019   2.3k

2019 marque le 350e anniversaire de la mort de Rembrandt van Rijn. Innovant, Rembrandt a bouleversé le monde de l’art, avec des techniques picturales très particulières dont le fameux impasto ou technique d’empâtement. Cette technique a permis au grand maître de créer un effet 3D dans ses œuvres grâce à l’application de plusieurs couches épaisses de pâte colorée.

Grâce aux rayons X de l’ESRF, le Synchrotron Européen de Grenoble, une équipe scientifique a percé les secrets de cette technique. L’équipe menée par le Rijksmuseum d’Amsterdam, avec le département des sciences des matériaux de l’université de Delft (Pays-Bas), dévoile que l’artiste aurait utilisé de la « plumbonacrite », soit un carbonate de plomb, pour donner cet effet de relief à ses toiles. Très rare dans les peintures de l’époque, le composant d’origine minérale est en effet présent dans des échantillons prélevés sur trois célèbres toiles du peintre et analysée au Synchrotron de Grenoble : Portrait de Marten Soolmans (1634), Susanna (1636) et Bethsabée au bain (1654).

Tableaux dont proviennent les échantillons : a) Portrait de Marten Soolmans, 1634 (210 x 135 cm), Rijksmuseum. b,c) Détail de la rosette montrant l'impasto. d) Susanna, 1636 (47.4 x 38.6 cm), Mauritshuis. e) Bethsabée au bain, 1654 (142 x 142 cm), Louvre.

«Nous ne nous attendions pas du tout à trouver ce composé, qui est très inhabituel dans les peintures des Grands Maîtres », explique Victor Gonzalez, auteur principal de l’étude et chercheur scientifique au Rijksmuseum et à l’Université de technologie de Delft. «De plus, nos recherches montrent que sa présence n’est pas accidentelle ni due à une contamination, mais qu’elle résulte d’une synthèse volontaire”.

Le Synchrotron européen, ESRF, a joué un rôle essentiel dans ces résultats. Les échantillons avaient une taille inférieure à 0,1 mm, nécessitant un faisceau de rayons X petit et intense comme celui produit à l’ESRF. Les scientifiques ont fait les expériences sur deux lignes de lumière ESRF, ID22 et ID13, où ils ont combiné la diffraction des rayons X à haute résolution angulaire (HR-XRD) et la micro-diffraction des rayons X (µ-XRD). « Dans le passé, nous avons déjà utilisé avec succès la combinaison de ces deux techniques pour étudier les peintures à base de blanc de plomb. Nous savions que ces techniques pouvaient nous fournir des diagrammes de diffraction de très bonne qualité et donc des informations très précises sur la composition de la peinture », explique Marine Cotte, scientifique à l'ESRF, lauréate du prix Descartes-Huygens 2018 pour ses recherches sur la conservation de l'art.

L'analyse des données a montré que Rembrandt avait intentionnellement mis au point une formulation précise des matériaux. « La présence de plumbonacrite est révélatrice d'un milieu alcalin. Sur la base de textes historiques, nous pensons que Rembrandt a ajouté volontairement de l’oxyde de plomb (de la litharge), transformant ainsi l’huile liquide en une matière pâteuse », explique Marine Cotte.

Cette découverte apporte des informations précieuses pour la préservation et la conservation des chefs-d’œuvre de Rembrandt. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. “Nous travaillons sur l'hypothèse que Rembrandt aurait pu utiliser d'autres recettes, c'est pourquoi les recherches se poursuivent sur des échantillons d'autres peintures de Rembrandt et d'autres Grands Maîtres néerlandais du 17ème siècle, comme Vermeer, Hals ", explique Annelies van Loon, scientifique au Rijksmuseum. A suivre...

Plus d'informations sur www.esrf.eu

Références scientifiques :

‘Rembrandt’s impasto deciphered via identification of unusual plumbonacrite by multi‐modal Synchrotron X‐ray Diffraction’, Angewandte Chemie International Edition, online 7 januari 2019Authors: Victor Gonzalez, Marine Cotte, Gilles Wallez, Annelies van Loon, Wout de Nolf, Myriam Eveno, Katrien Keune, Petria Noble en Joris Dik https://doi.org/10.1002/anie.2...