"Scientific game jam" : comment mettre la science en jeu ?

Publié par Isabelle Patroix Playground Grenoble école management, le 26 septembre 2017   2.4k

Depuis le concept de « Ma Thèse en 180 secondes » et de « Ma thèse en BD », de nombreuses initiatives ont pour but de pérenniser, rendre visible et accessible les sujets de recherches des doctorants auprès du grand public.

Les scientific game jams 2017 de Grenoble et Paris misent sur les jeux vidéo pour populariser les sujets de thèse des doctorants. Les jeux créés pouvant être des serious games de vulgarisation scientifique ou non.

Le défi : créer des jeux en 48 heures

Avec l’intérêt croissant du public pour les jeux vidéo s’est développé le phénomène des game jams. Ce concept propose aux participants de former des équipes pour devenir concepteurs de jeux vidéo le temps d’un week-end. Le délai est court : les équipes disposent de 24 ou 48 heures, ce qui les oblige à se former et à s’organiser le plus rapidement possible pour finir dans les temps.

C’est une expérience intense et enrichissante : les participants rencontrent de nouvelles personnes ayant des profils différents ou complémentaires et apprennent beaucoup. Les participants sont surtout des étudiants en informatique et en graphisme. Cependant, les game jams sont ouvertes à tous, c’est d’ailleurs une très bonne façon de s’initier au développement de jeux vidéo.

Quand le doctorant devient concepteur de jeux vidéo

À la Casemate de Grenoble et au CRI à Paris, les game jams deviennent « scientifiques ». Contrairement à la plupart des game jams où le thème est commun à tous, dans une scientific game jam, les équipes se forment librement autour d’un doctorant et de son sujet de recherche. Le doctorant est partie intégrante du développement et est en dialogue constant avec les autres membres des équipes.

La nature même d’un travail de recherche doctorale permet de nourrir des sujets complexes et variés. Les développeurs, à partir d’un sujet de thèse, peuvent partir dans de nombreuses directions : serious games, vulgarisation scientifique, ou jeu dont la jouabilité (gameplay) ou l’histoire sont inspirés de concepts scientifiques.

Pourquoi allier jeu vidéo et science ?

À l’instar des initiatives évoquées plus haut, les scientific game jams offrent de nombreux avantages aux doctorants. Elles lui permettent de s’entraîner à formuler l’objet de ses recherches de manière simple et de savoir le transmettre afin de le rendre intelligible à un public néophyte.

Les jeux créés lors de la game jam sont présentés lors d’événements comme la Maker Faire de Grenoble, ce qui donne de la visibilité à leurs recherches, comme le concours public « Ma thèse en 180 secondes ». L’une des équipes de la scientific game jam de Grenoble de cette année a eu l’opportunité de présenter son jeu sur les diodes électroluminescentes au prix Nobel de physique de 2014, Hiroshi Amano lors de sa visite à l’Université Grenoble Alpes.

Pour les participants à la game jam, cet événement est l’occasion de rencontrer des doctorants et de discuter avec eux dans un cadre convivial, ce qui est difficile lors d’une conférence. Ce sont eux qui en apprendront le plus sur ces concepts scientifiques de manière à s’en imprégner pour concevoir la conception du jeu (game design).

Tous les jeux créés lors de la game jam sont disponibles en téléchargement. C’est une bonne opportunité de donner aux joueurs (et aux non-joueurs) la possibilité de découvrir des sujets de recherche de manière ludique.

Le jeu vidéo, de par son interactivité, permet d’assimiler des connaissances de manière, non pas descendante, mais construite par les joueurs, qui découvrent et manipulent des concepts à travers les mécanismes du jeu. Ces jeux vidéo sont ainsi d’excellents prototypes pour des serious games de vulgarisation scientifique.

De la game jam aux serious games

En effet, les jeux issus de scientific game jams regorgent d’idées et peuvent servir de base pour le développement de jeux à but pédagogique. Les équipes ont un caractère multidisciplinaire fort : elles sont composées de programmeurs, de graphistes, de concepteurs de jeux vidéo, de designer sonores, venus de différentes écoles et du monde professionnel, ce qui favorise l’émergence d’idées originales.

De plus, les participants font appel à leurs compétences dans le cadre d’un événement divertissant, auquel ils ont choisi de prendre part. Ils développent donc leur jeu dans des conditions optimales de motivation. En moyenne, la conception des jeux lors d’une game jam représente une trentaine d’heures de travail par personne, une équipe de cinq participants représente donc 150 heures de travail, soit l’équivalent de 21 jours-hommes dans une entreprise.

Les jeux vidéos issu des scientific game jams sont à la fois le fruit d’un travail conséquent et d’une réflexion autour de concepts scientifiques. Ils sont donc des prototypes de choix pour élaborer des jeux à la fois amusants et instructifs.

Forgeron Baston, le jeu gagnant de la scientific game jam 2017. Nickel-Chrome

L’un des jeux développés lors de l’édition 2017, Forgeron Baston, est un jeu basé sur une thèse en métallurgie. Le joueur doit y forger une épée à partir de différents minerais pour combattre des ennemis, chaque alliage ayant ses caractéristiques propres. Par un procédé d’essai et erreurs, le joueur est amené à comprendre par lui-même les effets des différents alliages. Ces derniers, qu’il acquiert au fur et à mesure du jeu, lui permettent d’affronter et de vaincre des adversaires de plus en plus puissants. Le joueur acquiert ainsi un certain nombre de connaissances théoriques. Forgeron Baston pourrait ainsi trouver sa place dans un cours d’initiation à la métallurgie dans une salle de classe.

Le développement de ce jeu a été poursuivi après la game jam au sein du « Playground » de Grenoble École de Management, afin de lui donner plus de contenu tout en conservant la conception de jeu initiale (game design). Il sera présenté lors de différents événements scientifiques. Retrouvez l’ensemble des jeux de la Scientific Game Jam lors de la fête de la science de Grenoble et au showroom de la Casemate.


Source 

The ConversationCet article a été rédigé par Isabelle Patroix, Docteur en littérature, Post Doc Serious Game et Innovation, Grenoble École de Management (GEM) et Hélène Michel, Professeur - Serious Games & Innovation Management, Grenoble École de Management (GEM)  avec Jacques-Marie Lesaule, étudiant à CPE Lyon (école d’ingénieur en informatique électronique et télécommunications) et développeur sur Forgeron Baston. 

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation, dans le cadre de la Fête de la Science 2017 dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.