Interview d'Hubert Gallée, chercheur au CNRS - Évolution du niveau des mers

Publié par Débora Gallée, le 7 mars 2018   1.9k

Rencontre avec Hubert Gallée, chercheur en météorologie et climatologie CNRS à l'Institut des Géosciences de l'Environnement (IGE) à Grenoble.

Environnement, réchauffement climatique, calottes glacières, climat... tant de sujets auxquels les chercheurs de l'IGE tentent d'apporter des réponses. Quelle est votre mission principale au laboratoire ?

Hubert Gallée : Mon équipe de recherche se nomme GLACE. Nous avons pour vocation de déterminer la contribution de l'Antarctique au niveau moyen des mers. Pour ce faire, il nous faut d'abord comprendre le fonctionnement du bilan de masse de l'Antarctique. En d'autres termes, nous étudions la balance entre accumulation et perte d'eau par la calotte Antarctique. L'atmosphère est la principale responsable de l'accumulation de la neige : elle pompe l'eau de l'océan par évaporation et la redistribue sur la calotte sous forme de neige. En tant que spécialiste de l'atmosphère, j'ai développé un modèle numérique permettant d'effectuer ces calculs. De l'autre côté, il y a la perte de glace qui s'écoule lentement vers l'océan ; il s'agit de la première étape de formation d'un iceberg qui, au contact de l'eau, finit par fondre entièrement dans l'océan. D'autres personnes l'équipe, spécialistes de la dynamique de la glace, sont chargées de cette partie "perte", mais mon modèle peut également intervenir car la fonte en surface peut intervenir dans ce processus.

Comment êtes-vous devenu spécialiste de l'atmosphère ?
H. G. : C'est un aspect personnel : je suis intrigué par la météo et le climat depuis mon enfance. Quel temps allait-il faire ? Allait-il y avoir de la neige ? Après un diplôme d'ingénieur, un emploi de technicien et un sujet de recherche à l'Université de Louvain (Belgique), j'ai finalement pu accéder à une thèse dont le sujet concernait la compréhension et la simulation des cycles glaciaires-interglaciaires. Pendant ces années de thèse, j'ai pu, avec un modèle mathématique numérique, montrer pour la première fois que l’albédo (principe de réflexion des rayonnements UV par la neige), était une condition essentielle aux glaciations. Durant ma thèse a eu lieu le renouvellement du traité de l'Antarctique stipulant que ce continent reste dédié à la recherche internationale et dont le territoire ne peut être exploité ou revendiqué par aucun pays. La Belgique participant à l'époque à ce traité, elle a porté un projet de recherche auquel j'ai participé et pour lequel j'ai développé le Modèle atmosphérique régional (MAR).

Êtes-vous le créateur de ce modèle ? Que permet-il de faire ?
Oui, il s'agissait au départ d'un code écrit par les chercheurs israéliens que j'ai modifié pendant de nombreuses années pour obtenir le MAR. Il permet d'effectuer des calculs sur divers paramètres météorologiques tels que le vent, la température, les précipitation, etc. sur un territoire choisi.

Aujourd'hui, MAR est le leader open source pour le calcul de l'accumulation de la neige au Groenland et en Antarctique et sa contribution au niveau moyen des mers.