Imagine ton glacier II – Jour 3 – rencontrer un glacier
Publié par Association Névé, le 9 septembre 2025
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Après avoir découvert les nuits en refuge, appris à marcher ensemble et à se connaître, s’être immergés dans la montagne par le dessin en compagnie d’Alice, voici que les jeunes sont amenés à découvrir la proximité du glacier, et même à plonger dans ses entrailles.
Des glaciers en sursis
Les glacier de la Girose, sur lequel se situe le point culminant de la station de ski de la Grave dans les Hautes-Alpes, s’étale entre environ 2800 m et 3600 m d’altitude. A l’image de tous les glaciers des Alpes, son volume et son épaisseur baissent très sévèrement d’une année à l’autre. Dans les années 2000, son épaisseur était d’environ 90 m au niveau de la gare d’arrivée du téléphérique. Depuis, l’ensemble des glaciers des Alpes perdent 1 à 2 m par an de glace. Et cela s’accélère. Autant dire que le glacier de la girose risque fortement d’avoir disparu avant 2050.
La façon dont nous souhaitons transmettre les connaissances liées au changement climatique est basée sur les trois piliers du cognitif, du sensible et du psychomoteur. Le glacier de la Girose est pour nous le meilleur endroit pour satisfaire ces trois piliers.

Les glaciers en 1950

Les glaciers en 2022
Une dernière journée remplie d’émotions
Que dire de cette ultime journée dans les Écrins ?
Déjà que la journée est belle, que la météo est idéale et illuminée par un grand soleil, que les jeunes sont hyper motivés, que Alice notre carnetiste est très inspirée et que nous mêmes nous sommes très heureux d’aboutir au point d’orgue du projet. Question organisation, il y a le groupe du matin et le groupe de l’après midi, car Marc, notre guide de la journée ne peut pas prendre plus de 8 personnes sur une cordée. Pour gagner du temps, la matinée se fait avec les plus en forme. Ceux et celles qui veulent prendre leur temps, ou bien peut-être qui veulent retarder cette échéance d’aller marcher sur un glacier crevassé, monteront plus tard vers les sommets.
Le groupe du matin démarre du refuge. La veille, le trajet en sens inverse nous avait demandé plus de 3 heures. Le retour vers la gare du Peyrou d’Amont nous prend moins d’une heure. Nous nous arrêtons seulement pour suivre du regard un chamois, qui en un éclair est passé devant nous sur le chemin pour aller se réfugier au pied des parois plus haut. Devant la gare du téléphérique, le groupe s’impatiente un peu, conscient que l’expérience qu’ils vont vivre pourrait les marquer pendant très longtemps. Et là, Marc, notre guide de haute montagne, arrive de La Grave et sort de la benne avec casques, baudriers, broches à glace, crampons et tout le matériel pour être en sécurité sur un glacier. Là, tout s’accélère, Marc prend le relai et emmène le premier groupe, et je me retrouve tout seul pour la première fois depuis 3 jours.

Un départ matinal du refuge Evariste Chancel et sur le glacier de la Girose.
La vie d’un glacier
Je prends un peu de temps pour admirer cette mythique face nord de la Meije, et tous ces glaciers que je sais en sursis, mais qui me fascineront toujours autant. C’est qu’il y en a des étapes pour construire un glacier. Déjà, il faut de la neige qui en s’accumulant chaque année finit par chasser quasiment tout l’air qu’elle contient, pour finalement se transformer en glace lorsque ne restent que quelques bulles d’air qui ne communiquent plus avec l’atmosphère extérieure. C’est pour cela que les glaciers sont si important dans ce contexte actuel de changement climatique, car ils constituent de véritables archives du climat. Ensuite, lorsque la glace est suffisamment épaisse, elle commence à s’écouler sous l’effet de sa propre déformation. Pensez au miel que vous versez sur vos crêpes. La glace ressemble un peu au miel mais il en faut beaucoup plus pour que la matière s’étale. Une fois que la glace coule, vous avez là un véritable glacier animé de sa dynamique propre : de la glace est créée en amont, dite zone d’accumulation, de la glace se perd par fonte en aval, dite zone d’ablation, mais cette perte est compensée par la glace qui s’écoule de l’amont vers l’aval.
Lorsque le climat est stable, le glacier a donc la faculté d’avancer en permancence tout en conservant une même géométrie et une même épaisseur. Aujourd’hui, avec le changement climatique, les glaciers avancent en même temps qu’ils reculent. Et lorsque ils ont beaucoup trop reculé, leur épaisseur n’est plus assez importante pour qu’ils continuent à avancer en se déformant et on peut alors dire qu’ils disparaissent. C’est ce qui arrive en ce moment au glacier de Sarennes, juste en face, dont la disparition est actée, et commémorée chaque année depuis 2023.

Un face à face avec la reine du coin, la Meije qui culmine à 3983 m d’altitude.
Descendre en rappel dans une crevasse
Je sors de mes pensées pour aller retrouver l’autre groupe en compagnie de Marion. Le rythme est plus tranquille et les jeunes semblent avoir bien récupéré de la journée précédente. Nous rejoignons le téléphérique et montons à 3200 m d’altitude. Nous en sortons pour nous retrouver face à face avec le glacier de la Girose. La plupart de ces jeunes n’ont jamais vu de glacier et quelques explications seront nécessaires plus tard. Mais en attendant, on cherche du regard le groupe du matin. Où sont-ils ? Et d’un coup nous les aperçevons rassemblés autour d’un champ de crevasses, Marc ayant décidé de leur faire faire un petit tout dans les entrailles du glacier. Là, une légère appréhension commence à poindre chez certains. Cette idée un peu lointaine il y a encore quelques jours d’aller marcher sur un glacier, cet environnement inconnu, prend une forme de réalité.

De belles sorties de crevasse dans une explosion de joie ponctuent les premières interrogations.
Nous rejoignons Marc qui ramène le premier groupe en bordure de glacier. De nombreux échanges naissent alors. Les uns partagent leur enthousiasme, leur excitation d’avoir vécu cette expérience. Les autres se posent des questions : “est ce que tu as eu peur ?”, “C’est comment de descendre dans une crevasse ?”, “La corde là, elle est solide ?”, etc.
Le reste de la journée n’est qu’émotion, partage d’expériences, apprentissage et découverte de la haute montagne. Le cognitif, le sensible, le psychomoteur, tout y est. Marion et moi, nous espérons au cours de ces 3 jours avoir pu faire naître ou entretenir l’envie de protéger, ou plutôt de ne pas participer à la dégradation de notre environnement.