La géothermie : une source d'énergie inépuisable sous nos pieds

Publié par Encyclopédie Environnement, le 17 février 2020   3.4k

Les géostructures comme les fondations, les parois de soutènement et les revêtements de tunnels sont en contact avec le sol, et peuvent être utilisées comme échangeurs de chaleur avec nos bâtiments, de façon à les chauffer en hiver et à les rafraichir en été. Plus généralement, dans un monde où les besoins énergétiques n’arrêtent pas de croître et où la recherche de sources d’énergie locales et renouvelables devient une ardente obligation, la géothermie semble promise à un bel avenir.

 

Principe de fonctionnement des géostructures énergétiques  

L’échange de chaleur entre le sol et les structures en béton est assuré par un système de tubes disposés à l’intérieur de la structure et au sein duquel circule un fluide caloporteur.  

Puisque la température du sous-sol reste constante tout au long de l’année (à l’exception des premiers 5 à 8 m), elle demeure supérieure à celle de l’air externe en hiver et inférieure en été. Cette différence de température permet d’extraire de la chaleur du sol pendant l’hiver (pour chauffer les bâtiments appareillés) et d’en injecter pendant l’été (pour refroidir ces bâtiments). Ceci s’inscrit dans la catégorie des systèmes géothermiques dits « à basse enthalpie », qui concernent les 100 premiers mètres de sol et travaillent avec des variations de température de l’ordre de 10 à 20 °C. Pour adapter la température provenant des échangeurs à celle nécessaire pour chauffer ou refroidir les bâtiments, ces systèmes sont connectés à une pompe à chaleur.  

Le système peut être utilisé soit pour chauffer et refroidir les bâtiments (mode double), soit uniquement pour chauffer ou uniquement pour refroidir (mode simple). Le choix du mode de fonctionnement dépend, entre autres, des conditions locales d’écoulement des eaux souterraines :

  • Dans le cas où l’écoulement de l’eau souterraine est nul ou très faible, une recharge thermique du sol est nécessaire afin d’en garder la température constante sur le long terme. Dans ce cas, il est fortement conseillé d’utiliser le système en mode double afin de garantir son efficacité ; le stockage saisonnier de chaleur est réalisable.
  • Si, au contraire, le sol est suffisamment perméable et soumis à un écoulement d’eau souterraine supérieur à 0.5 ou 1 mètres par jour, la température du sol se rééquilibre automatiquement et un mode simple est possible. L’extraction est alors découplée de l’injection de manière naturelle.

 

Schéma général des 3 circuits d’échange de chaleur entre le sol et le bâtiment [Source : © Alice Di Donna].


Les avantages de la géothermie appliquée aux geostructures

Le principal avantage de la mise en place des géostructures énergétiques par rapport à d’autres systèmes géothermiques tient au fait qu’on utilise des éléments structuraux qui sont nécessaires pour la résistance mécanique des bâtiments ou des infrastructures et doivent par conséquent impérativement être réalisés. Ceci se traduit par une réduction des couts d’installation initiaux. L’expérience montre une période d’amortissement comprise entre 4 et 8 ans, l’investissement initial étant de l’ordre de 2 à 4% du coût de l’ouvrage.  

Bien évidemment, tout comme les autres systèmes géothermiques à basse enthalpie (sondes horizontales et verticales), il s’agit avant tout d’une source d’énergie locale et renouvelable.  

En fait, l'énergie est produite à partir de la chaleur emmagasinée dans le sous-sol, qui est pour partie d'origine solaire (chauffage de la surface terrestre par le rayonnement solaire) et pour partie d'origine interne terrestre (flux thermique en provenance du noyau terrestre). Ces énergies peuvent être transportées par la nappe phréatique ou les eaux souterraines plus profondes. La combinaison de ces effets amène la température des premiers mètres de sol à subir une variation saisonnière en fonction de la température de l’air externe (zone dite hétérothermique).  

Plus en profondeur, elle reste constante jusqu’à environ 50 m de profondeur (zone dite neutre). À partir de cette profondeur, la température commence à augmenter en raison d’environ 3°C tous les 100 m : c’est ce qu’on appelle le gradient géothermique. Les géostructures énergétiques exploitent la zone intermédiaire à température constante, qui, en Europe, est de l’ordre de 10-15°C tout le long de l’année. Leur utilisation peut conduire à une réduction des émissions de CO2 d’un bâtiment d’environ 320 kg par kW produit.

 


Évolution saisonnière de la température du sous-sol avec la profondeur.



Efficacité énergétique de la technologie

D’après les données disponibles à partir des installations opérationnelles, il est possible d’extraire entre 20 et 100 W/m de pieu énergétique.  

Plus difficile est l’évaluation de l’échange thermique des parois et des tunnels énergétiques, car beaucoup moins d’expériences réelles sont disponibles dans ce cas. Selon le peu de données consultables, il est possible d’échanger entre 10 et 30 W/m2 des surfaces de parois ou de tunnels ; ces valeurs varient en fonction des propriétés du sol, de la géométrie de la fondation, des conditions d’exploitation du système et surtout de la présence d’un écoulement souterrain.  

Pour mieux évaluer l’efficacité énergétique de ces systèmes, des études expérimentaux et théoriques sont en cours. Par exemple :


   


L’estimation des échanges thermiques dans le cas des parois et des tunnels est moins simple que dans le cas des pieux, principalement du fait de la prise en compte de l’échange avec l’air sur le côté de l’excavation. Une étude numérique récente sur les parois énergétiques montre que la différence de température entre le sol et l’air à l’intérieur de l’excavation (par exemple intérieur d’un parking ou d’un tunnel ou d’une gare) affecte considérablement la qualité de l’échange thermique, surtout sur le long terme.


La géothermie appliquée aux geostructures : un intérêt grandissant

Les géostructures énergétiques se sont développées en Europe et dans le reste du monde à partir des années 1980. Les premières installations ont été réalisées en Autriche, mais la technologie s’est diffusée assez rapidement en Suisse, en Allemagne, et en Angleterre. Dans d’autres pays, comme la France ou l’Italie, leur acceptation sociale reste encore limitée et leur développement plus lent. Les géostructures énergétiques ont aussi récemment commencé à se développer aux États-Unis et en Asie.  

La figure suivante montre à quelle rythme le nombre des installations réalisées au niveau mondial durant les dix dernières années, ainsi que la réduction correspondante en émission de CO2 s’accroissent. Les données disponibles ne sont sûrement pas représentatives de tous les cas existants, mais la figure donne un aperçu de l’intérêt porté à cette technologie et de ses bénéfices. Les pieux énergétiques restent largement l’application la plus courante. Ce type de fondation profonde est très utilisé pour traverser une couche de sol de mauvaise propriété mécanique et aller s’appuyer par exemple sur un soubassement rocheux.


Variation du nombre d'installations et de la réduction de CO2 correspondante en fonction du temps.

 




Ce billet, tiré de l’article de l’Encyclopédie de l’Environnement, a été proposé par Alice Di Donna, Maître de Conférences à l’Université Grenoble Alpes (UGA), Laboratoire Sols, Solides, Structures et Risques. Le lecteur intéressé par la géothermie trouvera des compléments dans ces autres articles :

- La géothermie, une source significative d’énergie, par Cornet François-Henri

- Énergie géothermique : une importante ressource cachée, publié par l’Encyclopédie de l’Énergie.


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Ce billet est extrait de l’Encyclopédie de l’Environnement. Il a été réalisé par A3E grâce aux soutiens d’UGA éditions dans le cadre du programme "Investissement d'avenir" géré par l'Agence nationale de la Recherche, de Grenoble INP et de la région Auvergne Rhône Alpes.