Schizophrénie : une maladie favorisée par notre société ?
Publié par Flavien Etheve, le 18 novembre 2019 6.7k
Crédit photo : Sasha Freemind
Violent, agressif, fou… La liste des stéréotypes attribués aux personnes souffrant de schizophrénie est longue et ces adjectifs ne sont pas dus à la maladie en tant que telle. Dans certains pays, les personnes atteintes de cette maladie sont même abandonnées au bord de la route, enfermées ou enchaînées car elles sont considérées comme possédées par des esprits.
Ce samedi 16 novembre 2019 a eu lieu, à la Bibliothèque Kateb Yacine de Grenoble, la conférence « Accompagner la schizophrénie » présentée par Catherine Bortolon, psychologue clinicienne et maître de conférences à l’Université Grenoble Alpes dont les travaux portent sur les délires. Cette conférence s’inscrit à la fois dans le cadre du « Mois de l’Accessibilité » et dans le cycle « 1h de Psy par Mois ».
La schizophrénie est une maladie psychiatrique qui touche 1% de la population mondiale dont 600 mille personnes en France. Les symptômes apparaissent en générale entre 25 et 35 ans chez les femmes mais dès seulement 15 ans chez les hommes ce qui accentue leur handicap social. En effet, les personnes souffrant de schizophrénie sont victimes, en plus de leur handicap, de stéréotypes et discriminations. Elles sont en générales considérées comme des individus violents et agressifs alors que dans la plupart des cas ce sont ces personnes qui sont victimes de maltraitance par la société.
Les symptômes de cette maladie sont nombreux et peuvent varier en fonction des personnes atteintes. Il est possible, selon Catherine Bortolon, de les classer en quatre catégories :
- Les idées délirantes : il s’agit d’une conviction fausse mais pour autant maintenue malgré toutes les preuves contraires apportées par l’entourage. Ces idées peuvent être de type paranoïaque, la personne peut se sentir persécutée et imaginer des théories du complot. En psychologie on appelle cela des « croyances irréalistes résistantes aux contre-arguments et aux preuves contraires ».
- Des symptômes négatifs : il peut s’agir d’un manque de motivation, d’une difficulté à sortir du lit le matin ou à anticiper le plaisir. Ces symptômes entraînent généralement un retrait social qui lui-même favorise la maladie.
- Les hallucinations auditives, visuelles ou olfactive : contrairement à ce que l’on pourrait penser, les hallucinations ne viennent pas de notre imagination. Elles sont dues à des zones de notre cerveau associées à des organes sensoriels (vue, odorat, ouïe…) qui s’activent sans que l’organe soit stimulé.
- Un discours désorganisé : le langage peut être difficile à comprendre et la personne atteinte de schizophrénie peut rester bloquer sur un sujet de conversation bien que son entourage soit passé à autre chose.
Alors oui, comme moi vous vous dites que certains de ces symptômes sont présent chez vous. Mais la difficulté à sortir du lit le matin ne fait pas de vous un schizophrène.
La schizophrénie est-elle une maladie du cerveau ? « Oui »
« Tout ce que je pense, ressens, fais se passe dans mon cerveau. Si j’entends une voix, ai des idées délirantes, subis des baisses de motivation, cela se passe dans mon cerveau » affirme Catherine Bortolon.
Au niveau scientifique, il a été démontré que la schizophrénie était souvent due à des altérations au niveau de la morphologie du cerveau et de son fonctionnement. « Nous ne sommes pas le résultat que de nos gènes, mais aussi de notre mode de vie » rappelle la chercheuse. Cela signifie que notre environnement a également un impact sur notre cerveau. Cet impact peut être bénéfique, lorsque l’on joue d’un instrument par exemple, ou plus nocif. La consommation de drogue, le tabac ou encore l’obésité altèrent notre cerveau. La prise de médicament peut également avoir un impact et ce surtout si plusieurs traitements médicamenteux sont pris en même temps.
Pouvons-nous comprendre la schizophrénie avec un point de vue psychologique ? « Oui »
Les symptômes de la schizophrénie peuvent être engendrés par des expériences traumatisantes tel du harcèlement ou de l’abus pendant l’enfance. Les personnes victimes de ce genre de maltraitance sont alors plus facilement amenées à se méfier de tout le monde. Avoir une faible estime de soi favorise également le sentiment d’infériorité et de vulnérabilité par rapport aux autres. Cela maintient les idées délirantes qui amènent à se percevoir davantage vulnérable à la méchanceté de notre entourage.
Pour comprendre et expliquer la schizophrénie, il faut donc se pencher sur l’origine psychologique des symptômes et l’accompagnement des personnes atteintes de cette maladie est primordial.
Est-il possible pour des personnes souffrant de schizophrénie, de vivre une vie sans traitement médicamenteux ?
Des études sont en cours à ce sujet car les traitements médicamenteux sont souvent lourds. Il s’agit généralement d’un ensemble d’antipsychotiques, d’antidépresseurs et d’anxiolytiques. Cependant, il s’est avéré que combiner une thérapie avec un traitement médicamenteux favorisait les rémissions et le bien-être des patients davantage qu’une thérapie ou un traitement médicamenteux seul.
« Pour moi, il n’existe pas de schizophrène mais des personnes atteintes de schizophrénie. Il faut arrêter de confondre la maladie et la personne. Ce sont en général des personnes isolées socialement et cela est en partie dû à notre manière à nous de voir cette maladie, vision remplie de stéréotypes que les personnes atteintes de schizophrénie vont internaliser et prendre comme des vérités. »
C’est sur ces mots que s’est achevé cette conférence de Catherine Bortolon. La schizophrénie est une maladie où le facteur social est extrêmement influent et l’accompagnement des patients ne doit pas se faire uniquement par traitement médicamenteux. Lutter contre l’isolement social des ces personnes pourrait même entraîner l’atténuation ou la rémission de la maladie dans certains cas.
Flavien Etheve
Pour aller plus loin :
1h de Psy par mois : https://www.msh-alpes.fr/fr/1-heure-psy-mois
Le mois de l’accessibilité : https://www.bm-grenoble.fr/1980-le-mois-de-l-accessibilite.htm?
Les journées de la schizophrénie du 14 au 21 mars 2020 : https://schizinfo.com/