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L'aurtograf oci sai den l'eusservo

Publié par Laurent Vercueil, le 11 février 2016   2.5k

Quel sens de l'à propos ! Alors qu'une énième et hypothétique révision de l'orthographe suscite de l'agitation et du débat en France, la prestigieuse revue britannique BRAIN (je vous économise la traduction) publie un travail décrivant les structures du cerveau qui seraient responsables du bon agencement des lettres dans un mot (1).

La méthode, si elle n'est pas originale, est éprouvée : il s'agit de collectionner une série de personnes victimes d'accidents vasculaires cérébraux, et donc de lésions circonscrites identifiables par les moyens de l'imagerie (IRM cérébrale), dont les symptômes se manifestent particulièrement au cours de l'écriture, par une dysgraphie dysorthographique, de vilaines fautes, quoi.

Par le moyen du VBM (Voxel-Based Mapping) les topographies lésionnelles sont analysées pour tenter de définir la région dont l'altération peut se rendre responsable des troubles observés. En étudiant 33 personnes (29 droitiers, 17 hommes) présentant un déficit orthographique (intéressant soit la mémoire à long terme - retrouver comment un mot s'écrit (17 patients), soit la mémoire de travail - écrire le mot lettre après lettre (10 patients), soit mixte (6 patients)), les auteurs parvenaient à démontrer l'existence d'un certain recouvrement des territoires cérébraux compromis en fonction de la nature du trouble.

Ainsi, les troubles de l'orthographe touchant à la mémoire à long terme (erreurs pour les mots rares et plausibles à l'oreille) étaient associés à des lésions affectant le cortex temporal basal gauche et le gyrus frontal inférieur postérieur à gauche. Les troubles de l'orthographe relevant davantage de la mémoire de travail (erreurs pour les mots les plus longs, et produisant des mots non plausibles à l'oreille) étaient associés à des lésions centrées sur la région du sillon intrapariétal gauche.

Que le "bon" orthographe mobilise des structures spécifiques dans l'hémisphère gauche, dominant pour le langage, n'est pas une surprise. Mais le réformateur a-t-il conscience, lorsqu'il opère sa chirurgie sur les mots (nénuphar s'écrit désormais nénufar) que ses gros doigts vont jusqu'au fond des plis de nos cerveaux ?

>> Référence : (1) Rapp B, Purcell J, Hillis AE, Capasso R, Miceli G. Neural bases of orthographic long-term memory and working memory in dysgraphia. Brain 2016;139:588-604