Fille et garçon égaux en sciences

Publié par Anne Dortel, le 23 juin 2014   3.3k

En plus de faire cuisiner ses élèves en cours de physique-chimie, Anne Dortel questionne leurs idées reçues sur les filles et les garçons. Elle nous livre ici ses réflexions.

J'ai participé le 17 avril dernier au Forum des projets de La Casemate. Les porteurs de projets rencontrent divers acteurs qui peuvent les aider à développer leurs idées. J'ai particulièrement apprécié l'exposé de deux démarches :

  • celle d'Heiko Buchholz, artiste qui propose une conférence scientifique décalée,
  • celle de Frédérique Segond, responsable de recherche d'une entreprise grenobloise qui souhaite fédérer les initiatives de promotion des sciences en direction des filles

Cette tâche pourrait ressembler au tonneau des Danaïdes, c'est pourtant là un défi qui m'importe. L'époque est propice à des déclarations parfois d'une rare violence visant à faire rester les filles (les femmes) dans des rôles subalternes ou dans des tâches pour lesquelles elles seraient "prédisposées". Je crois que le travail de l'École est d'aider les élèves à construire leur avenir sans la censure que leur imposerait a priori un déterminisme social.

Ainsi, j'interviens souvent en classe pour faire remarquer à quel point les préjugés sont ancrés. Dans les livres, c'est tel énoncé qui évoque "la maman de X qui conduit en respectant le code de la route alors que le papa de Y roule trop vite". Ou encore, quand on parle d'orientation en 3ème, je souligne que les filles de la classe ne se projettent pas spontanément vers les carrières scientifiques ou alors, vers les domaines médicaux.

Dire les choses, les mettre en évidence, cela contribue faire ouvrir les yeux, à alerter la vigilance de chacun et des élèves en particulier. Et puis, l'intelligence des élèves n'est pas si difficile à éveiller : l'anecdote qui suit est si croustillante, si révélatrice de la façon dont sont vécus les rapports hommes / femmes et aussi si drôle que je ne résiste pas à vous la livrer telle quelle.

Avant que les élèves ne commencent une manipulation, j'ai pour habitude de leur dire de "faire semblant" pour se préparer, avant de réaliser pour de bon l'expérience. Ils travaillent en général par équipe et doivent dans cette répétition générale se répartir les tâches. Ce jour-là, comme souvent, j'annonce donc "Faîtes comme quand vous étiez petit, que vous jouiez en disant : "Alors, on dirait qu'on ferait comme ça'". Devant moi, un binôme qui aime particulièrement le moment des expériences, appelons-les Benjamin et Lydia, deux élèves sans malice aucune mais avec beaucoup d'humour et de maturité.

Le garçon se tourne vers sa partenaire et lui glisse "Alors, on dirait qu'on jouerait au papa et à la maman". Lydia lui répond du tac au tac : "D'accord, tu fais la maman, je fais le papa". Benjamin ne se démonte pas et lui rétorque : "Oui, d'accord, je fais la maman, comme ça, c'est moi qui fait TOUT". Je ne sais pas vous, mais moi, cela me donne matière à réflexion !

>> Source : Article original à lire sur le blog "Un labo dans ma cuisine"

>> Crédits : julochka, Judy Baxter (Flickr, licence cc)