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Le côté obscur de la Glie : DARK MICROGLIA

Publié par Laurent Vercueil, le 9 février 2016   8.1k

Il existe dans le cerveau un continent qui reste encore à découvrir : la Glie. Longtemps injustement déconsidérée, cette population cellulaire très diverse partage pourtant avec les neurones un ancêtre commun : la cellule souche. Plus tard, dans un souci élitiste, le neurone se différencie, se distingue et finit par constituer « la crème de la crème » de notre aimable substance grise, réceptionnant, traitant et faisant circuler l’information, avec toute la componction ostentatoire qu’une tâche aussi glorieuse justifie. A côté, la Glie, donc : Astrocytes, Oligodendrocytes, et Microglie qui représentent le « vulgum pecus » juste bon, croyait-on, à assurer gîte et couvert à la noblesse laborieuse (le terme "Glie" voulant caractériser, au départ, l'espèce de glue dans laquelle les neurones étaient enchâssés). Ces dernières années cependant, le rôle actif de la Glie dans la régulation du développement, de la plasticité et du fonctionnement neuronal est apparu avec de plus en plus d’évidence. Loin de se limiter à un rôle de soutien et d’alimentation en énergie, la Glie contribue plus ou moins directement à l’activité neuronale.

Et voici qu’un travail mené par l’équipe québécoise de Marie-Eve Tremblay, et collaborateurs, décrit un nouveau phénotype (c'est à dire de nouvelles caractéristiques) d'une Microglie, appelée "Microglie noire", parce qu'en microscopie électronique, et du fait de signes de stress oxydatif et d'une condensation importante du cytoplasme et du nucléoplasme, elle apparait aussi sombre qu'une mitochondrie (1). Cette Microglie noire ("Dark Microglia") présente des caractéristiques uniques qui la distingue du reste de la Microglie et des autres populations cellulaires du cerveau. Pire : observée et décrite dans le cerveau des souris étudiées par ces équipes, elle intéresse de nombreuses structures du cerveau (l'hippocampe, l'hypothalamus, le cortex, etc..) mais surtout, est particulièrement abondante lorsque les souris ont été exposés à des stress chroniques, lorsqu'elles sont vieillissantes, ou lorsqu'elles constituent des modèles de maladie d'Alzheimer. Cette Microglie noire est décrite par les auteurs comme particulièrement active, tentant d'englober des dendrites, des axones de passage, et même, lorsque l'appétit se fait vorace, phagocytant (c'est à dire, avalant) l'ensemble d'une synapse environnante. Reste à savoir s'il s'agit d'une population distincte, dérivée l'une lignée cellulaire myeloide, qui infiltre la matière cérébrale ou, alternativement, d'une sous-population de Microglie qui bascule du côté obscur... et si elle est présente dans le cerveau humain touché par les maladies neurodégénératives.

darth microglia en train de bouffer du neurone

Quoiqu'il en soit, ces travaux confirment, une fois de plus, qu'il faudra prêter une plus grande attention au rôle joué par ces janissaires discrets, armée de l'ombre, qu'on aurait tort de ne voir que comme des esclaves...

(1) Bisht K. et al., Dark Microglia : a new phenotype predominantly associated with pathological states. Glia 2016, IN PRESS

>> Crédit visuel principal : E. Otwell