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Mémoires du Futur

Pour promouvoir un divorce symbolique

Publié par Jean Claude Serres, le 8 novembre 2023   700

Introduction

Ce questionnement de portée  philosophique ouvre la réflexion à une sortie de conflit. Une situation de conflit engage des actions diverses pour la dépasser, la résoudre ou conduire à une impasse, une rupture relationnelle. 

Nous devrons ainsi questionner la nature et les singularités des situations de conflit. Ce questionnement ouvrira la porte à d'autres questionnements, celui du divorce ou de la rupture, comme ceux de l' engagement, de la fidélité, de l'amour, des relations entre personnes (attachement attirance amour, amitié, et.). Ce champ de questionnement très vaste concerne l' ensemble des activités humaines. Nous allons nous focaliser  sur le domaine des relations affectives avec nos proches.

La première tâche consistera à proposer un cadre référentiel au vocabulaire utilisé. Ce cadre est évidemment indispensable pour se comprendre, pour discerner. Ce cadre ayant pour but d' objectiver les propos n' en reste pas moins subjectif, arbitraire et non consensuel. Discuter en profondeur exige des pas de côté, de la patience, d'en accepter la difficulté et les limites quand nous touchons à l'indicible.

I - établir un cadre référentiel de vocabulaire

Les mots clés que je vais  tenter de clarifier sont polysémiques et restent fortement imprégnés de nos histoires personnelles et usages singuliers. Les pas de côtés proposés ne seront pas forcément évident pour chacun.  Ce premier conflit  linguistique permettra de prendre conscience des difficultés de résolution : se mettre d' accord pour traiter du conflit, accepter les singularités de chacun autant au niveau des besoins, des intérêts et des valeurs de chacun. Le sens des propos de chacun s' appuie sur un référentiel de valeurs comme sur un vocabulaire à préciser. Chacun peut ainsi discuter en profondeur  et témoigner sans rechercher une quelconque vérité.

Nous aurons ainsi la possibilité de clarifier la singularité  des faits comme celle de nos interprétations. Chacun peut discerner multiples facettes de sa perception des faits comme des interprétations  qu'il en à fait.

De la nature du conflit  

Le conflit fait partie intégrante du vivant. Sans conflit, pas de vie. Le conflit peut exister à l'intérieur de sa psyché, entre personnes, entre races , entre cultures et entre espèces. Les conflits interpersonnels avec les proches (couple famille amis etc.) peut être ouvert, fermé ou encore tournant (triangle persécuteur, victime, sauveur). Aux trois dimensions traditionnelles des conflits ( besoins intérêts valeurs) s'ajoutent les dimensions affectives et émotionnelles. Nombre de conflits ”ouverts” ne sont que “entrouverts” à la situation contextuelle présente, laissant dans l’ombre les conflits fermés, les frustrations non explicitées qui pourrissent toute résolution de bon sens.

Souvent il existe des confusions entre une posture reconnue violente et une posture dure ou ferme. Les motivations ou les intentions peuvent différer profondément.  

De la pertinence émotionnelle de la colère et de  l'agression

Colère et agression sont souvent les motifs d’action et aussi les ressentis d’actes de violence. La violence fait partie des  attributs de tout humain de l’inconscient collectif et archaïque d’ordre génétique, ressource nécessaire à la survie : fuir ou agresser. La violence peut se manifester de bien des façons, par le déni de réalité ou encore des interprétations délirantes, l’humiliation de l’autre, le silence ou le mépris. Grandir en humanité permet de mettre un certain contrôle à ces pulsions. La “nature profonde” de toute personne est sa structure génétique archaïque que Jung nomme l'inconscient  collectif. Cependant, son inconscient personnel complète cette structure archaïque par les conditionnements épigénétiques ( plusieurs générations) et des conditionnements culturels et environnementaux dans lesquels l’enfant va grandir. Il va en particulier intégrer les comportements parentaux  bénéfiques ou déstructurants, induisant les traumatismes de la mémoire émotionnelle inconsciente. 

La violence humaine peut être légitime, illégitime, inadmissible voire destructrice. Dans le cadre d’une relation humaine établie avec des proches, une posture agressive peut être liée à bien des facteurs psychiques ou de situation. Une me paraît entrer dans le champ des violences légitimes : le devoir d'ingérence comme palliatif à une non assistance en personne en danger.

La colère possède deux versant : le versant émotionnel et le versant affectif ou cognitif d’interprétation de la situation interne et externe. Il y a des colères froides sans émotions ou avec des émotions contenues, des colères chaudes avec des postures incluant une voix forte, des cris, et des paroles non contrôlées, blessantes, etc. Les colères chaudes sont directement liées à un non contrôle émotionnel.

Le sentiment de colère peut s évaluer dans une échelle d' intensité de 0 à10 : 

  1. De zéro à 2 ce sentiment de source cognitive n a aucune synergie émotionnelle c est la colère froide.
  2. De 3 à 6 le sentiment est en interaction avec la composante émotionnelle. Cette dernière est sous contrôle cognitif. C' est la colère chaude.
  3. De 7 à 10 l' émotion est hors de contrôle dans son ressenti comme dans sa restitution. On peut ressentir de "l' acide" qui coule dans les veines. C est la colère explosive.

Toute émotion est essentielle pour vivre. La prise en compte émotionnelle, sa restitution externe dans l’immédiateté ou ultérieurement, comme son interprétation font partie de la vie donc normales à éprouver, indépendamment de leur motivation ou causalité première. 

De la posture psychique multipolaire de chacun

La posture globale s’appuie sur les multiples compétences acquises pour chacun. Ces compétences s’appuient sur un système de valeur  explicite ou non en cohérence avec ses compétences. Que ces compétences soient exercées ou non dans le cadre d’une relation, elles persistent dans le système de pensée de la personne qui en est dépositaire. 

Dans le cadre d’une relation de couple de famille ou d’amitié, les postures de soutien, d'accompagnement (conseils, formation, coaching) en particulier, nécessitent un travail d'écoute systémique difficile à pratiquer. Cependant ces postures peuvent être dissociées temporairement des relations affectives. Ceci n’est pas à la portée de tout le monde. De même peuvent être discernés les postures d'accompagnement, les postures de psychothérapie et les postures de questionnement philosophique ou spirituels, en termes de compétences opérationnelles bien qu’un grand nombre de connaissances soient communes aux trois postures. Ce sont ces connaissances partagées qui permettent à chacun de trouver ses limites d’intervention.       

De la nature de l amour

Dans l’usage courant du terme amour ou du verbe aimer, tous deux très galvaudés,  il existe une grande confusion entre “agapè”, “philia” et “éros”. J’utiliserai le terme d’amour dans ce propos sur le seul registre “agapè”.

Ainsi, l’amour ne caractérise pas une relation partagée mais une posture philosophique, spirituelle ou simplement d’écoute systémique. Il s'agit d’une posture de bienveillance, de don de soi gratuit et sans contrepartie. Cette posture implique le respect de l’autre, d’avoir le souci de l’autre et d'accepter de lui, sa part d’étranger  d’incomplétude, d’incertitude et d'impermanence.  Cette posture peut aussi se tourner vers soi, considéré comme un autre : apprendre à se respecter, avoir le souci de soi et accepter sa part d’étranger, d’incomplétude, d’incertitude et d'impermanence. 

Cette posture peut nourrir les relations d'amitié, les relations amoureuses et particulièrement  dans la  vie en couple. Dans le meilleur, la vie en couple combine agapè, philia et éros.

De la relation amoureuse

La rencontre amoureuse fait surgir un désir partagé quoique de nature inégale ou différente entre les deux partenaires. Quand cette rencontre s'approfondit et s’installe pour devenir couple alors les multiples facettes de agapè, philia et éros s'éveillent et s'épanouissent. Alors que agapè, cette forme d’amour seulement est un don sans contrepartie, une posture qui n’est pas relation, la rencontre amoureuse devient une relation donnant-donnant (recevoir, donner, partager). Elle s'inscrit dans la durée et l’unicité. Les multiples facettes des désirs nourrissent et comblent la relation au quotidien. La relation amoureuse évolue dans la vie du couple car chaque composante l’un, l’autre et le couple se transforment en fonction des contextes intra familiaux et externes. Le degré d’engagement est très important.

De la  seule relation d’amitié

 La relation d’amitié est plurielle ( on peut avoir plusieurs amis simultanément), sectorielle. Elle concerne un ou quelques domaines de la vie alors que la relation amoureuse qui inclut l’amitié est globale. L’amitié implique la confiance réciproque et l’intimité. Seulement dans la relation amoureuse, la confiance et l’intimité sont globales. L’amitié peut durer longtemps mais n’est pas forcément active. Je peux distinguer facilement les amis historiques des amis actifs ou ou présents. Il existe aussi un désir de rencontrer d’autres amis. Les sédentaires ont la possibilité de faire durer les amitiés actives alors que les nomades géographiquement, développent des relations d’amitiés  plus brève dans le temps. le degré d’engagement reste relatif.

Les rencontres amoureuses temporaires, les relations entre amants s'inscrivent dans ces simples relations d'amitiés sectorielles ou pluriels centrées sur éros.

 

De la nature des relation humaines entre proches

Les relations humaines entre proches sont par nature complexes, d’incertitudes, d'incomplétude et d’impermanence. Rien n’est simple, en particulier le traitement des conflits. l’illusion de simplicité est donnée par une absence de profondeur dans la compréhension des autres. Il faut aimer (agapè) un peu pour connaitre un peu l’autre. Il faut connaître un peu l’autre pour pouvoir l'aimer(agapè). Quand un conflit éclate entre un couple et une personne, il reste toujours difficile pour cette personne de prendre en compte trois entités du couple : elle, lui et le couple.

De la fidélité et de l'engagement 

Encore deux termes qui s'interprètent de multiples façons. Dans la thérapie canadienne de l'acceptation et de l’engagement (ACT), L’acceptation n’est point le renoncement à l’action mais au contraire prendre en compte ce qui est, tout ce qui est, lui prêter pleine attention pour pouvoir décider d’agir avec pertinence et discernement. L’engagement consiste à mettre en œuvre les actions nécessaires pour sortir d’un conflit, pour s’orienter autrement pour bifurquer, pour transformer la situation initiale, pour vivre en pleine métamorphose le cas échéant. Engager des actions, être vigilant, adapter les trajectoires et revoir les décisions si nécessaire consiste à être fidèle et à rester à soi-même, pouvoir se regarder dans une glace chaque jour afin de vérifier le maintien de ses engagements.

La fidélité est d’abord première à soi même : être fidèle à ses engagements. Dans la vie de couple, le contexte des engagements initiaux peut évoluer. L’engagement de chacun  à vivre ensemble peut venir en contradiction avec le maintien de la fidélité à soi même. Dans la relation de couple, le questionnement sur l'engagement de chacun et la fidélité concerne un ensemble de facteurs à prendre en compte.

L’engagement et la fidélité dans une relation d’amitié embrasse des questionnements similaires mais plus relatifs et sectoriels. 

De la nature du divorce

On peut identifier au moins quatre relations ou processus de divorce : le divorce brutal, le “divorce citoyen”, le “divorce symbolique” et enfin le divorce sans enjeu, dans l’indifférence.

 Les divorces qui durent dans des conflits sans fin sont souvent d’ordre paradoxaux : des facteurs voudraient maintenir le couple et d’autres le détruire : la jalousie, la blessure, la non acceptation de l’impermanence des relation, les conflits personnels entre engagements et fidélité à soi, à l'autre, aux enfants, à la famille. on ne divorce pas que dans un couple mais aussi entre amis entre parents et enfants, etc, peu importe que l’on utilise le terme de divorce, de rupture ou encore de séparation.

Le divorce citoyen a pour but de minimiser les blessures, les souffrances. Il apporte une préparation et une tentative d’explication.

Un divorce symbolique est une rupture dans les modalités de vie, de relation. Il n’y a pas séparation mais reconsidération, nouveau départ dans une relation autre, entre les deux même personnes. Par exemple changement de mode de vie à l’arrivée des enfants, à leur départ, ou encore au moment de prendre la retraite. Et cela peut  aussi se réaliser dans le cadre de résolution d’un gros conflit d'intérêt, d’affect ou de valeurs. Un divorce symbolique n’est jamais facile à réaliser. C’est tellement plus simple de rompre et d’engager une nouvelle relation avec une autre personne.

II - comment s' acheminer vers un divorce symbolique ?

Analyser la situation globale dans la durée

Analyser la situation de conflit et décrire 

  1. Les faits
  2. Leurs interprétations

Donner du temps pour réaliser l' intégration et la maturation individuelle

Construire la volonté  mutuelle de dépasser la situation de conflit

Créer l’engagement accepté  de témoigner des vécus singuliers et de leur interprétations 

Identifier les enjeux et les risques majeurs ou globaux :

Ce qui fait consensus

Ce qui fait dissensus

III -  finalités, objectifs, temporalités 

Avoir la  volonté  de grandir en humanité grâce à ces discussions profondes.

Trouver une issue compatible avec les attentes de chacun.

Cette proposition d action réparatrice ou refondatrice relève d'un forme d intelligence très singulière et surtout très différente de l intelligence conceptuelle ou analytique de compréhension ( proche d une démarche scientifique. L intelligence de situation est tournée vers le futur. Elle est de type stratégique et repose sur une volonté d' avancée. Elle peut s' associer à une forme d' engagement , de prise de risque, d' incertitude et d' incomplétude. C est une forme de pari en quelque sorte.

Liens intéressants : "Faire famille" de Sophie Galabru, philosophe :

https://www.youtube.com/watch?v=C0hWRqT2kfo   (7mn)

https://www.youtube.com/watch?v=GlimSY7CFxw       (50mn)

de la colère

https://www.youtube.com/watch?...        (5mn)